Le Parquet national financier a ouvert une enquête sur un contrat d’armement au Brésil

Depuis trois ans, le Brésil vit au rythme du scandale Petrobas et des affaires de détournement de fonds publics et de corruption touchant sa classe politique. Une centaine d’élus font l’objet de soupçons, dont l’ancien président Lula, Dilma Rousseff, qui lui avait succédé en 2011. L’actuel chef de l’État, Michel Temer, n’est pas épargné non plus puisqu’il fait l’objet d’une enquête pour « corruption passive », « obstruction à la justice » et « participation à une organisation criminelle ». Rien que ça.

Aussi, au regard des sommes en jeu, les achats d’armes destinées à moderniser les forces armées brésiliennes font l’objet d’une attention toute particulière. En 2015, la justice avait ouvert une enquête sur des possibles d’irrégularités concernant le contrat des 36 avions Gripen E/F. Et, en décembre dernier, l’ex-président Lula a été accusé par le parquet fédéral brésilien d’avoir usé de son influence pour favoriser le dossier du constructeur suédois Saab.

Visiblement, à en croire des informations du Parisien, le contrat des avions Gripen n’est pas le seul à intéresser la justice puisqu’une enquête préliminaire pour « corruption d’agents étrangers » aurait été ouverte à Paris, en octobre 2016, par le Parquet national financier (PNF) sur des faits présumés de corruption concernant la vente de 5 sous-marins au Brésil, en décembre 2008.

À l’époque, alors que beaucoup d’analystes vantaient ses excellentes perspectives économiques comme d’autres vendent de la « poudre de perlimpimpin », le Brésil affichait la volonté de devenir une puissance de rang mondial. Pour cela, il lui fallait parvenir à une certaine autonomie militaire et industrielle. Et la France, soucieuse d’accroître son influence en Amérique du Sud, proposa ses bons offices, avec le lancement par le président Chirac, en 2006, d’un partenariat stratégique.

Cette orientation ne fut pas remise en cause par le président Sarkozy. Bien au contraire. Le 23 décembre 2008, lors du sommet bilatéral de Rio, un plan d’actions entre la France et le Brésil fut adopté, de même que de nombreux accords, dont la vente de 50 hélicoptères Caracal et de 5 sous-marins d’attaque, dont un à propulsion nucléaire (programme PROSUB), le tout étant assorti de transferts technologiques conséquents. Le montant total de ces ventes de matériels militaires s’élevait alors à 8,6 milliards d’euros.

Le contrat des sous-marins a-t-il donné lieu à des paiements de pots-de-vin et de rétrocommissions? C’est ce que chercherait donc à vérifier le PNF. La semaine passée, Mme le procureur national financier, Eliane Houlette et le patron de l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLIFF) ont fait le déplacement au Brésil pour évoquer ce dossier avec leurs homologues. Et cela a donné lieu à un communiqué diffusé par Rodrigo Jano, le procureur général de la République brésilienne.

L’ouverture de cette enquête préliminaire concernant le contrat des sous-marins brésiliens a été confirmée à l’AFP par une source « proche du dossier ». L’enjeu, explique Le Parisien, serait de vérifier si des « pots-de-vins n’ont pas été versés pour décrocher ce marché » et « si l’opération n’a pas ensuite donné lieu au versement de rétro-commissions. »

De côté, le constructeur naval DCNS s’est défendu de toute corruption et dit « respecter partout dans le monde scrupuleusement les règles de droit. » Seulement, le partenaire brésilien du constructeur naval français, le géant du BTP Odebrecht, concerné par l’affaire Petrobras, est accusé de truquer des marchés publics en versant systématiquement des dessous-de-table à des responsables politiques.

Cela étant, le versement de pots de vins pour remporter le contrat PROSUB serait surprenant. Certes, le marché des sous-marins à propulsion conventionnelle, comme les Scorpène vendus au Brésil, est concurrentiel… Encore que, à l’époque, il ne l’était pas autant qu’aujourd’hui, les constructeurs japonais Mitsubishi Heavy Industries et Kawasaki Shipbuilding Corporation étant hors-jeu et le chantier naval suédois Kockums étant une filiale de l’allemand TKMS.

Mais la promesse des transferts de technologie concernant la construction du premier sous-marin brésilien à propulsion nucléaire était suffisant pour remporter la mise, étant donné que les rares pays disposant d’une telle capacité n’entendent généralement pas partager leurs secrets industriels en la matière.

La marine brésilienne espère pouvoir mettre en service son premier sous-marin nucléaire d’attaque – le SN Álvaro Alberto (SN-10) – vers 2025.

Photo : Sous-marin Scorpène

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