Centrafrique : Qui est derrière l’attaque de Bangassou?

D’après un premier bilan donné par les Nations unies le 16 mai, la flambée de violence qui a eu lieu à Bangassou, à 470 km à l’est de Bangui, près de la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC), auraient fait au moins 26 morts parmi les civils. Ces victimes ont péri quelques jours plus tôt lors de l’attaque du quartier de Toktoyo, qui, peuplé essentiellement de musulmans, abrite aussi un détachement marocain de la MINUSCA [Mission multidimentionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation de la République centrafricaine, ndlr].

Mais selon les organisations humanitaires, le bilan serait nettement plus élevé. « Nous avons retrouvé 115 corps et 34 ont été inhumés », a en effet affirmé Antoine Mbao Bogo, le président de la Croix-Rouge centrafricaine. « Ils sont morts de diverses façons : à coups de couteau, de barres de fer ou de blessures par balles », a-t-il précisé.

En outre, ces violences ont provoqué un afflux massif de réfugiés centrafricains dans les provinces de Bas-Uélé et Nord-Ubangi, en RDC.

Tout a commencé le 8 mai dernier, avec l’attaque d’un convoi de la MINUSCA par un groupe armé. Lors de l’accrochage, un Casque bleu cambodgien a été tué et quatre autres, dont un soldat marocain, ont été capturés par les assaillants, qui les ont « sauvagement assassinés » d’après un porte-parole de l’ONU.

Quasiment au même moment, des combattants de l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), un mouvement qui, dirigé par Ali Darass, a fait partie de l’ex-coalition rebelle de la Séléka, ont affronté des miliciens anti-balaka dans la ville d’Alindao, située à l’ouest de Bangassou. Là, les violences ont duré pendant trois jours.

« On ignorait qui affrontait qui. J’étais avec l’évêque et un autre prêtre pour rencontrer Ali Darass. Après la réunion, qui s’est bien déroulée, le retour a été compliqué par la présence de milices musulmanes dans les rues. Des jeunes armés de machettes voulaient nous tuer, les éléments d’Ali Darass se sont interposés », a témoigné un prêtre catholique à l’hebdomadaire Jeune Afrique. Ces combats auraient fait au moins une trentaine de tués et une centaine de blessés.

Le 13 mai, la ville de Bangassou, jusqu’alors épargnée par les violences intercommunautaires de 2013, a donc été attaquée à son tour. D’après les témoignages, entre 500 et 600 hommes armés sont arrivés à pied et à moto par l’est et l’ouest, avant de s’en prendre à la communauté musulmane du quartier de Toktoyo ainsi qu’à la base opérationnelle de la MINUSCA. Un casque bleu marocain, le caporal-chef Abdaljalil El-Zaitouni, y a laissé la vie.

L’intervention de la MINUSCA, avec des moyens aériens, et la médiation du cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, auront permis un retour au calme.

« Suite à l’intervention du cardinal Nzapalainga, ils [les hommes armés] ont accepté de se retirer de la ville, à condition que les casques bleus mettent fin à leurs tirs, et que le chef de l’Etat lui-même, Faustin Archange Touadéra, vienne négocier avec eux », a en effet indiqué Radio Vatican.

Reste à connaître l’identité et les motivations de ce groupe armé qui sème la terreur. Il a été dit qu’il s’agirait de miliciens anti-balaka, plus précisément d’une faction de cette mouvance qui, commandée par Maxime Mokom, aurait rallié le Front populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC) de Nourredine Adam, un « seigneur de guerre » ayant dirigé l’ex-Séléka. Or, ce dernier est un adversaire résolu d’Ali Darass et de l’UPC, ce qui a donné lieu à des tensions et à des combats à Bambari (centre du pays). Cela pourrait expliquer l’attaque d’Alindao mais sans doute pas celle de Bangassou.

Cela étant, d’après des militaires de la MINUSCA, les assaillants de Bangassou possédaient beaucoup de « savoir-faire » tactique pour mener leur attaque étant donné qu’ils ont manoeuvré pour entraver la capacité de riposte des Casques bleus. Pour un responsable politique local, il y aurait parmi eux « quelques officiers issus des ethnies originaires du sud du pays ». Selon lui, leur action serait motivée par leur refus de voir arriver l’UPC dans leur secteur.

Quoi qu’il en soit, le général Bala Keïta, le commandant de la Force de la MINUSCA, a affirmé, le 17 mai, que la « Mission est toujours en train de chercher à identifier clairement les auteurs de ces attaques et leur véritable motivation », car « à Bangassou, il n’y a pas d’UPC ni d’autres factions. » Et d’ajouter : « À Bambari on savait que c’était la coalition FPRC qui se battait contre l’UPC, mais à Bangassou, on ne peut pas vous dire exactement ceux qui manipulent ces gens-là, sauf dire qu’ils étaient partis pour tuer leurs concitoyens musulmans. »

En outre, et la MINUSCA insiste sur ce point, tout comme les organisations humanitaires, les assaillants de Bangassou étaient très bien armés et organisés. « On parle bien d’une action concertée et planifiée ayant recu le soutien de cadres militaires. On est donc loin d’une opération dirigée par les communautés de la localité », estime Natalia Dukhan, spécialiste Centrafrique pour l’organisation Enough project. Alors, qui tire les ficelles?

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