L’audace de l’aspirant Maurice Halna du Fretay

René Mouchotte, Pierre Clostermann, Roland de La Poype, Jean Maridor, Jacques Andrieux, Christian Martell… Ces aviateurs figurent parmi les plus connus des Forces aériennes françaises libres, en raison de leurs prouesses, de leurs faits d’armes et de l’admiration qu’ils suscitent encore.

Compagnon de la Libération, l’aspirant Maurice Halna du Fretay reste pourtant assez méconnu. Né le 8 mai 1920 dans les Côtes d’Armor, au sein d’une famille de la noblesse bretonne, ce jeune homme se passionne très tôt pour l’aviation, au point de prendre ses premiers cours de pilotage, dès ses 17 ans, à la section d’aviation populaire de Dinan. Il obtient ainsi son brevet de pilote privé en février 1939 puis celui de mécanicien-avion .

Peu avant la « drôle de guerre » (septembre 1939), il parvient, avec ses économies, à acheter un petit avion de tourisme, un Zlin-XII de 45 CV, conçu en Tchécoslovaquie. Seulement, au vu du contexte de l’époque (l’aviation de tourisme est interdite), il décide de le démonter et de disperser les pièces dans le manoir familial de Ranléon.

En octobre 1939, Maurice Halna du Fretay signe un pré-engagement comme élève pilote au sein de l’armée de l’Air, qui finit par l’affecter à l’École élémentaire de pilotage n°24 de Dinan puis, en avril 1940, à Aulnat en tant qu’élève radio-navigant. Mais il n’aura pas le temps de connaître le combat : la campagne de France (mai-juin 1940) se termine avec la demande d’armistice du maréchal Pétain.

« Mon pays n’est plus le mien mais une conquête allemande. Comment pourrais-je vivre en esclave dans un pays où j’ai été libre? », se demande alors le jeune homme, fraîchement démobilisé. Très vite, il veut partir en Angleterre pour continuer le combat. « Pour cela, je n’ai que deux moyens : le bateau ou l’avion. Or, pour le bateau, je n’ai pas le pied marin; il me reste donc le ciel », écrit-il à sa mère.

C’est alors qu’il entreprend, avec des amis, de reconstituer son Zlin-XII pour traverser la Manche. Seulement, les performances de cet appareil sont modestes : son moteur de 4 cylindres est suffisant pour arracher du sol une charge utile de 200 kg et voler une vitesse de croisière de 135 km/h, à 3.800 mètres d’altitude. Le tout pour une autonomie assez faible. En outre, il lui faut régler, en toute discrètion, une multitude de détails, à commencer par celui de l’essence, alors difficile à trouver. Et c’est sans compter sur de menus problèmes techniques qui, s’ils ne sont pas insurmontables, sont toujours contrariants.

Quant au lieu du décollage, l’avenue qui mène au manoir fera l’affaire, à condition d’abattre deux ou trois arbres. Puis, le 15 novembre 1940, la météo étant favorable, Maurice Halna du Fretay décide de tenter le coup. « Le vendredi matin, après mon petit-déjeuner, j’inspecte le ciel, puis je me dirige vers la bande de toile fixée à la perche près de la piste d’envol. Pas un souffle d’air. […] Au Sud, le ciel se charge de nuages bas. Je comprends que l’heure du départ est arrivée. Dans une heure ou deux, un grain venant du Sud sera là. Le vent, assez fort pour me permettre un décollage aisé, me poussera ensuite rapidement vers la côte anglaise. À moins de 1.000 pieds, je serai probablement dans les nuages, caché ainsi de la chasse et de la DCA allemande », racontera-t-il.

Difficulté supplémentaire : Maurice Halna du Fretay devra aussi emmener un passager, un officier de la Légion étrangère (inconnu) déterminé à se rendre au Royaume-Uni. Puis, avec le strict nécessaire, le Zlin XII décolle péniblement, évite de justesse des pommiers, puis met le cap vers les côtes anglaises. Le moteur connaît quelques ratés. « Encore moins de 200 km avant d’arriver. C’est peu encourageant », pense le jeune pilote. « Malgré cela, je me sens très calme […] en confiant mon âme à Dieu », témoignera-t-il. Le vol est éprouvant : il faut traverser les nuages, sans instruments de PSV et repères. « Les minutes que je passe ainsi sans savoir comment je vole, sans rien voir, me paraissent des heures », confiera-t-il.

Porté par des vents favorables, le Zlin XII arrive près de Portland et amorce sa descente. L’aviateur breton cherche un endroit où se poser, survole avec surprise un terrain sur lequel on joue au football, puis finit par trouver un champ où atterrir. « Je suis en Angleterre. Je ne suis plus un vaincu. Je suis libre », s’écriera-t-il.

Sans tarder, après un passge à la Patriotic School, le caporal Maurice Halna du Fretay s’engage dans les Forces aériennes françaises libres (FAFL) et commence sa formation de pilote de chasse sur avion Magister. Pour son périple, il reçoit la Croix de la Libération ainsi que la British Empire Medal. Il lui faudra attendre le 27 novembre 1941 pour effectuer sa première mission de guerre, avec le 607 Squadron de la Royal Air Force, alors doté d’Hawker Hurricane.

Quelques mois plus tard, Maurice Halna du Fretay rejoint le 174 Squadron. Aux commandes, là encore, d’un Hawker Hurricane, il multiplie les missions au-dessus de la France, notamment dans les secteurs de Calais, Saint-Mer, Boulogne-sur-Mer, Le Touquet…

En août 1942, le 174 Squadron est mis sous les ordres d’un autre Français libre : le commandant Émile Fayolle. Les deux hommes, ainsi que Raymond Van Wymeersch, un autre membre des FAFL, participent, le 19, à l’opération « Jubilee », qui est une tentative de débarquement des Alliés à Dieppe.

Malheureusement, l’aspirant Halna du Fretay n’en reviendra pas : il sera vu pour la dernière fois en train d’attaquer une batterie d’artillerie allemande près de Neuville-les-Dieppe. Le commandant Fayolle sera lui aussi abattu. Son corps ne sera identifié qu’en 1998.

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