Le secrétaire général de l’Otan demande à la Turquie de « respecter pleinement l’État de droit »

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a réussi son pari en remportant de justesse, le 16 avril, le référendum constitutionnel visant à renforcer ses pouvoirs. Et, ayant constaté des irrégularités lors du scrutin, l’opposition, en particulier le Parti républicain du peuple (CHP), a vu le Conseil d’État refuser d’examiner les recours qu’elle avait déposés.

En outre, dès les résultats connus, une mission commune d’observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de l’Europe a estimé que le référendum s’était « déroulé sur un terrain inégal » étant donné que « les deux camps en campagne n’ont pas bénéficié des mêmes opportunités ». Qui plus est, a-t-elle ajouté, « des modifications tardives dans la procédure de comptage (des voix) ont supprimé un important garde-fou. »

Le président turc a répondu du tac-au-tac : « Ils préparent un rapport à leur goût. (…) Déjà, restez à votre place! », a-t-il lancé à l’endroit de ces observateurs de l’OSCE et du Conseil de l’Europe.

Cela étant, le 25 avril, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (Apec) a ouvert une procédure de suivi visant la Turquie, en raison de la « régression démocratique » de ce pays, laquelle s’est accentuée depuis le coup d’État manqué du 15 juillet 2016. En réponse, Ankara a procédé à de nouvelles « purges » deux jours plus tard.

En effet, 9.100 policiers turcs ont été suspendus de leurs fonctions, ce 27 avril, en raison de liens présumés avec le prédicateur Fethullah Gülen, accusé par les autorités turques d’être à l’origine de cette tentative de putsch. Et 1.120 personnes supplémentaires ont, dans le même temps, été interpellées pour les mêmes raisons.

Au total, depuis le 15 juillet dernier, plus de 46.000 personnes ont été mises sous les verrous et 100.000 fonctionnaires ont été limogés. Et cela, alors que la responsabilité de Fethullah Gülen pour la tentative de coup d’État ne paraît pas évidente à envoire le BND, le service de renseignement allemand.

« Le putsch n’a pas été initié par l’État. Avant le 15 juillet une grande purge opérée par le gouvernement avait déjà commencé », a affirmé son chef, Bruno Kahl, en mars dernier. « C’est pourquoi une partie des militaires pensaient qu’ils devaient rapidement commettre un putsch avant d’être eux aussi touchés (par les purges) […] Mais il était trop tard et ils ont eux même été l’objet de purges », a-t-il expliqué.

Peu après les premières arrestations de grande ampleur, John Kerry, désormais ancien chef de la diplomatie américaine, avait rappelé que les « exigences en termes de démocratie » de l’Otan, dont la Turquie est membre depuis 1952. « Les institutions internationales comme l’UE et l’Otan regarderont certainement de près le fil des événements car les responsabilités démocratiques vont de pair avec l’adhésion », avait par la suite fait valoir John Kirby, un porte-parole du département d’État.

Or, ces déclarations n’ont pas eu le moindre effet sur l’ampleur des purges en Turquie, pays important sur le plan stratégique étant donné qu’il permet de contrôler les accès de la mer Noire et qu’il accueille sur son sol plusieurs emprises de l’Otan, à commencer par la base d’Incirlik, utilisée par la coalition anti-jihadiste engagée en Irak et en Syrie.

Toutefois, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a de nouveau demandé à Ankara de respecter « pleinement l’État de droit ».

« Bien sûr que la Turquie a le droit de se défendre et de poursuivre ceux qui étaient derrière la tentative de coup d’Etat avortée, mais cela doit se faire en respectant pleinement l’État de droit », a ainsi affirmé M. Stoltenberg, en arrivant à Malte pour assister à une réunion de l’Union européenne.

« La Turquie est un allié clé, pour de nombreuses raisons, en particulier en raison de sa situation géographique stratégique, à la frontière de l’Irak et de la Syrie (avec) tous les troubles et les violences que nous y observons, mais aussi proche de la Russie en mer Noire », a cependant observé l’ancien Premier ministre norvégien. « La Turquie a subi de nombreuses attaques terroristes. Aucun autre allié n’en a connu autant », a-t-il ajouté.

Le préambule du Traité de l’Atlantique Nord est très clair : « Les États parties au présent Traité, réaffirment leur foi dans les buts et les principes de la Charte des Nations Unies et leur désir de vivre en paix avec tous les peuples et tous les gouvernements » et sont « déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit. »

Aussi, entre les considérations stratégiques d’un côté et les principes démocratiques ainsi que le respect des libertés individuelles, Ankara pose problème, lequel a récemment été résumé par Ursula von der Leyen, la ministre allemande de la Défense.

« La Turquie ne nous facilite pas la tâche au sein de l’Otan […] Mais personne ne doit s’imaginer qu’une Turquie en dehors de l’Otan nous écouterait mieux, ou serait plus facile à vivre, qu’une Turquie restée dans l’Otan », avait-elle dit, le 15 mars.

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