La France publie des preuves sur la responsabilité de Damas dans l’attaque chimique de Khan Cheikhoun

Comme le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, l’avait promis, la France vient de publier une « évaluation nationale » de ses services de renseignement prouvant la responsabilité du régime syrien dans l’attaque chimique menée le 4 avril à Khan Cheikhoun, localité de la province d’Idleb.

À la différence de celle qui avait été diffusée par le ministère de la Défense en septembre 2013, après l’emploi de gaz sarin à la Ghouta, un faubourg de Damas, quelques jours plus tôt, cette évaluation nationale portant sur l’attaque de Khan Cheikhoun est plus précise.

Comme pour la première, elle prend pour point de départ une autre attaque commise à Saraqeb, en avril 2013, par des hélicoptères des forces syriennes. Les analyses de prélèvements biomédicaux et environnementaux recueillis par les services français avaient permis de déterminer non seulement la présence du gaz sarin mais aussi celle d’hexamine, de DF (difluorure de méthylphosphonyle) et de diisopropylméthylphosphonate ou DIMP.

Or, des traces de ces substances ont été trouvées par les experts français sur les échantillons prélevés à Khan Cheikhoun.

« La présence de composés chimiques communs dans les échantillons environnementaux récupérés lors des attaques de Khan Cheikhoun, le 4 avril 2017, et de Saraqeb le 29 avril 2013, a donc été formellement établie par la France. Le sarin présent dans les munitions utilisées le 4 avril a été produit selon le même procédé de fabrication que celui utilisé lors de l’attaque au sarin perpétré par le régime syrien à Saraqeb. En outre, la présence d’hexamine indique que ce procédé de fabrication est celui développé par le CERS [Centre d’Etudes et de Recherches Scientifiques, ndlr] au profit du régime syrien », lit-on dans l’évalution du renseignement français.

Ces derniers affirment également avoir eu connaissance du décollage, le 4 avril au matin, d’un bombardier tactique Su-22 depuis la base de Shayrat (celle qui a été visée, plus tard, par les 59 missiles de croisière américain). Cet appareil « a effectué jusqu’à 6 frappes sur la localité de Khan Cheikhoun ».

Cela étant, le régime syrien a affirmé que la diffusion de substances toxiques à Khan Cheikhoun avait été causée par le bombardement d’un entrepôt de la rébellion ayant abrité des fûts de sarin. Cette affirmation est battue en brèche par l’évalution française pour la simple et bonne raison que, les services de renseignement français ne disposent « d’aucune information permettant de confirmer la détention de sarin » par les groupes armés présents dans cette zone. Qui plus est, aucun d’entre eux n’a les « capacités aériennes nécessaires » pour mettre en oeuvre un agent neurotoxique.

Reste l’hypothèse d’une mise en scène. Là encore, les services français sont catégoriques. « Une mise en scène ou une manipulation par l’opposition n’est pas non plus crédible, en particulier du fait de l’afflux massif de patients en un temps limité vers des hôpitaux sur le territoire syrien et sur le territoire turc, et de la mise en ligne simultanée et massive de vidéos présentant les symptômes de l‘utilisation d’agents neurotoxiques », est-il avancé dans le rapport.

Alors, d’où vient le sarin utilisé par les forces syriennes alors que l’arsenal chimique de Damas a été détruit sous l’égide de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en 2013?

La réponse est simple : comme l’a déjà indiqué le général Mattis, le chef du Pentagone, le régime syrien n’a pas tout déclaré et conservé une partie de ses armes chimiques. Et ce que confirme l’évaluation publiée par Paris.

« Dans une précédente synthèse nationale déclassifiée, les services français recensaient, en 2013, leurs connaissances du programme chimique syrien et des attaques chimiques perpétrées par le régime. Ils signalaient notamment que le sarin était majoritairement utilisé sous forme binaire : mélange de difluorure de méthylphosphonyle (DF), précurseur clé dans la fabrication du sarin, et d’isopropanol réalisé juste avant emploi », rappelle le document.

Or, ajoute-t-il, « la France a signalé à l’OIAC que les explications syriennes sur les quantités de DF déclarées, une vingtaine de tonnes, comme ayant été utilisées lors d’essais ou perdues lors d’accidents, étaient surévaluées. » Qui plus est, la Syrie aurait également tenté d’acquérir « quelques dizaines de tonnes d’isopropanol » à partir de 2014.

« Aucune preuve de la véracité des déclarations syriennes n’a pu être obtenue par l’équipe d’évaluation de la déclaration initiale syrienne (DAT) du Secrétariat technique de l’OIAC. L’OIAC a elle-même constaté des incohérences majeures dans les explications syriennes au sujet de la présence de dérivés de sarin sur plusieurs sites sur lesquels aucune activité liée à ce toxique n’avait été déclarée », conclut le document, pour lequel la responsabilité de Damas pour l’attaque chimique de Khan Cheikhoun ne fait « aucun doute. »

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