Il y a 100 ans, le Canada devenait une nation en remportant la bataille de Vimy

Au début de l’année 1917, les plans alliés sont arrêtés : les armées françaises porteront leur effort en direction du Chemin des Dames tandis que leurs homologues de l’Empire britannique attaqueront dans le secteur d’Arras, avec l’objectif d’y « fixer » les troupes allemandes et de prendre Cambrai ainsi que Douai.

Pour cela, il est impératif de s’emparer de la crète de Vimy qui, située au nord d’Arras, culmine à 145 mètres. Cette position, qui plus est fortifiée, a une importance stratégique étant donné qu’elle permet aux forces allemandes de dominer, et donc de contrôler, le champ de bataille. De 1914 à 1916, toutes les offensives alliées pour s’en emparer ont échoué.

C’est dire la difficulté de la tâche, qui est confiée aux 4 divisions du Corps expéditionnaire canadien (CEC), alors dirigé par le général Julian Byng. Ce dernier demande alors au commandant de la 1ère division, le général Arthur Currie de préparer et de planifier la bataille à venir.

Originaire de l’Ontario, Arthur Currie ne se destinait pas spécialement à une carrière militaire. D’abord enseignant dans des écoles publiques, il rejoint, en 1897, la milice canadienne et devient mitrailleur, à temps partiel, au 5e régiment d’artillerie de forteresse. Il est promu caporal trois ans plus tard, avant de se voir proposer l’opportunité d’obtenir un brevet d’officier. Cette promotion étant à double tranchant – une partie de ses salaires devait servir à payer ses uniformes et à faire des dons au mess des officiers, selon l’usage de l’époque – il entame une carrière dans la finance.

Dans le même temps, la progression d’Arthur Currie dans la hiérarchie est fulgurante. Capitaine en 1902, il est promu commandant (major) quatre ans plus tard, puis, en 1909, lieutenant-colonel et chef de corps du régiment où il fit ses premières armes.

En 1913, il est proposé pour commander le 50e Régiment (Gordon Highlanders of Canada) nouvellement formé. Mais, ses investissements sont réduits à néant quand la bulle immobilière spéculative éclate. Pour éviter la faillite personnelle, Arthur Currie détourne plus de 10.000 dollars destinés à son régiment afin de payer ses dettes. Découvert en octobre 1914, ce fait, qui alimentera les machinations de certains à son encontre (notamment celle de Sam Hugues, le ministre canadien de la Milice), n’aura pas d’incidence sur la suite de sa carrière, le Premier ministre, Robert Laird Borden, ayant décidé de « temporiser » alors que la 2e brigade d’infanterie du CEC, placée sous ses ordres, arrive au Royaume-Uni.

Cette 2e brigade d’infanterie ne tarde pas à s’illustrer. Après avoir été entraînée en Grande-Bretagne, elle est engagée dans la seconde bataille d’Ypres (22 avril/25 mai 1915). Les Allemands y utilisent pour la première fois des armes chimiques à base de chlore, ce qui contraint les forces françaises à se replier et à laisser un trou de 7 km dans les lignes. Malgré des lacunes (le fusil Ross n’apparaît pas adapté), les soldats Canadiens, dont c’est le baptême du feu, tiennent le coup sous l’impulsion du général Currie, qui prend les mesures nécessaires pour éviter une percée allemande.

L’année suivante, toujours dans le saillant d’Ypres, l’action du général Currie, récemment nommé à la tête de la 1ère Division du CEC, permet de rétablir une situation fortement compromise par une offenvise allemande contre la 2e armée britannique. Rompant avec les contre-attaques aussi inutiles que meurtrières, il fait bombarder violemment les positions allemandes du mont Sorrel et de la colline 62 avant d’envoyer les fantassins à l’assaut. C’est ainsi que tout le terrain qui avait été perdu par les forces britanniques sera regagné en trois jours.

Pour le général Currie, chaque bataille doit être méticuleusement préparée afin d’éviter au maximum les pertes en vies humaines. L’étude des combats passés, l’idée que la perception de l’état-major est différente de celle des hommes sur le terrain et la collecte du renseignement sont essentielles. De même que l’entraînement des soldats et le rôle de l’artillerie. C’est avec ces principes que la bataille de Vimy sera planifiée.

Pour le renseignement, l’état-major canadien peut alors s’appuyer sur les photographies aériennes ainsi que sur les informations collectées lors de raids sur les tranchées allemandes. Les positions ennemies ont été reproduites à l’arrière afin d’entraîner les soldats, l’idée étant que chacun d’entre-eux doit savoir exactement ce qu’il aura à faire dans le cas où ses officiers et sous-officiers seraient tués. La logistique suit évidemment : des dépôts de vivres et de munitions sont installés, des tunnels sont creusés. Et des mesures sont prises pour évacuer rapidement les blessés.

Dans le même temps, les troupes canadiennes se livrent à quelques raids sur les positions allemandes établies dans le secteur d’Arras. Puis, le 20 mars, les 965 canons britanniques commencent à cracher leurs munitions, en particulier sur les batteries allemandes. Puis cette préparation d’artillerie s’intensifie à partir du 5 avril et vise les abris, les nids de mitrailleuses et les arrières ennemis. Au total, un million d’obus seront tirés en une semaine.

Puis, à l’aube du 9 avril 1917, la bataille s’engage. Les troupes britanniques attaquent au sud d’Arras tandis que les 4 divisions canadiennes partent à l’assaut de la crète de Vimy. Les défenses allemandes sont paralysées par les tirs de 2000 mortiers Livens, qui lancent des obus chimiques. Puis les fantassins canadiens progressent de 100 mètres toutes les trois minutes, grâce à un barrage roulant d’artillerie.

Pour autant, les pertes sont élevées à cause notamment de mitrailleuses allemandes n’ayant pas pu être détruites. Cela étant, au bout de 24 heures de combat, les soldats canadiens contrôlent la quasi-totalité du plateau de Vimy et ont fait plus de 4.000 prisonniers. Mais tout n’est pas encore terminé : la 4e Division ne parvient à s’emparer de la cote 145 que le lendemain, après avoir essuyé de lourdes pertes. Enfin, le bois des Bruyères qui, dominant Givenchy-en-Gohelle, a été surnommé le « Pimple » (bourgeon) car il constituait une poche de résistance ennemie, est enlevé le 12 avril. Au final, tous les objectifs assignés au CEC sont atteints le 14.

Seulement, l’offensive menée par les troupes britanniques et australiennes au sud d’Arras ne produira pas l’effet attendu. après avoir progressé rapidement, ces dernières ne réussiront pas à percer les lignes allemandes.

Quoi qu’il en soit, la bataille de Vimy, au cours de laquelle près de 3.600 soldats canadiens furent tués, est une victoire fondatrice pour le Canada. « En ces quelques minutes, je fus témoin de la naissance d’un pays », dira le général Arthur Edward Ross. Et cela, parce que pour la première fois, les quatre divisions canadiennes engagées dans les combats de la Grande Guerre et composées de soldats exclusivement originaires du Canada, attaquèrent ensemble.

Par la suite, le général Currie sera nommé commandant du Corps canadien deux mois après la bataille de Vimy. Sous sa direction, ce dernier remportera d’autres succès significatifs (Bataille de la cote 70, Bataille de Passchendaele, Offensive des Cent-Jours). Cet officier, très à cheval sur la discipline et sourd aux manoeuvres politiciennes ayant cherché à lui imposer des sulbaternes qu’il considérait incompétents, est l’un des 14 canadiens au Monument aux Valeureux, où il est représenté par une statue grandeur nature.

Illustration : La Bataille de Vimy, par Richard Jack – Musée canadien de la guerre

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