Élysée 2017 : Un rapport se veut très prudent sur les réformes du renseignement proposées par les candidats

Menace terroriste oblige, plusieurs candidats à l’élection présidentielle proposent de donner plus de moyens aux différents services de renseignement, voire de les réorganiser afin de renforcer leur coordination pour mieux exploiter les informations recueillies.

Ainsi, Benoît Hamon (Parti socialiste) parle de « renforcer le renseignement grâce à un coordonnateur national directement rattaché au Premier ministre » alors que, pour le moment, il dépend de l’Élysée.

Pour Marine Le Pen (Front national), il faudrait créer une agence unique de lutte antiterroriste rattachée, elle aussi, au Premier ministre et « chargée de l’analyse de la menace et de la coordination opérationnelle ». Cette idée se rapproche de celle avancée par Emmanuel Macron (En Marche), qui propose de mettre en place une « cellule spéciale du renseignement anti-Daesh, permanente, de 50 à 100 agents, associant les principaux services de renseignement, placée auprès du Président de la République. »

Outre Jean-Luc Mélenchon (la France insoumise), qui souhaite renforcer le renseignement territorial en « développant les moyens humains », François Fillon, candidat de la droite et du centre, propose de s’inspirer du modèle britannique en créant un GCHQ (Governements Communications Headquarters) à la française en « élargissant les compétences de l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) afin d’améliorer l’efficacité des moyens de renseignement au service de l’ensemble de la communauté ». Cette mesure pourrait de concerner le service technique de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Cela étant, des mesures ont d’ores et déjà été prises pour améliorer la coordination, voire la mutualisation, des services de renseignement, lesquels ont dû rompre avec certaines pratiques propres à leur mode de fonctionnement.

C’est ainsi qu’ont été mises en place plusieurs structures, dont HERMES, qui regroupe les 6 services de renseignement ainsi que le Commandement des opérations spéciales (COS) et travaille en étroite relation avec Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’État-major des armées, ou encore la cellule INTERSERVICES, qui, créée en juin 2015 à l’initiative de la
Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) associe le renseignement territorial.

Enfin, l’État-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT), créé en juillet 2015 sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, regroupe la DGSI, le Renseignement territorial, la police
judiciaire, la Préfecture de police de Paris et la Gendarmerie.

Aussi, faudrait-il bousculer à nouveau les équilibres trouvés au sein de cette organisation, comme par exemple en faisant fusionner les services du renseignement territorial au sein d’une nouvelle direction générale afin de les « renforcer »?

Sur ce point, le dernier rapport de la Délégation parlementaire au renseignement ne le pense pas. « Trop de réformes successives [du renseignement intérieur et territorial, ndlr] nuit à l’efficacité des services et à leur coordination, même s’il s’agit de mettre en place une ligne hiérarchique plus forte », peut-on y lire.

« Sauf à doter le nouveau service spécialisé de ressources humaines très importantes, bien au-delà des créations d’emplois déjà conséquentes opérées depuis 2014, l’ensemble risque de perdre en efficacité dans la collecte de l’information de proximité qui repose sur un maillage beaucoup plus vaste que les seuls services en charge du renseignement territorial, c’est-à-dire sur l’ensemble des unités de base de la Police et de la Gendarmerie », poursuivent les auteurs de ce document.

S’agissant de l’idée générale consistant à créer une agence nationale de lutte contre le terrorisme et à revoir les attributions et la place du Coordonnateur national du renseignement, le rapport de la Délégation estime qu’elle est prématurée et contre-productive.

« S’il est parfaitement légitime, à l’heure où l’imbrication des menaces est forte et au moment des échéances électorales, que certains s’interrogent sur la pertinence de l’organisation de la politique publique du renseignement, la Délégation estime toutefois qu’il n’est pas raisonnable d’entrer dans la voie d’une réorganisation aussi ambitieuse et structurante alors que les services sont mobilisés de façon intense et quotidienne dans la lutte contre le terrorisme », est-il avancé dans le rapport.

Et ce dernier d’ajouter : « Une telle réorganisation risque, en effet, de mobiliser beaucoup d’énergie au prix d’un affaiblissement, si temporaire soit-il, des capacités opérationnelles. L’enjeu est davantage dans l’échange, le partage de l’information et des analyses, la fluidité des communications, que dans l’architecture générale. »

Quant à l’idée de créer une agence technique, à l’image du GCHQ britannique ou de la NSA américaine, la Délégation parlementaire au renseignement se veut, là aussi prudente, sans toutefois l’écarter. « En France, l’État s’est engagé dans un processus de mutualisation des moyens techniques pour éviter des duplications coûteuses entre les services et pour en assurer la supervision. Les moyens restent au sein des services qui en sont les principaux utilisateurs, mais ceux-ci peuvent être mis à disposition de ceux qui en ont besoin », est-il rappelé dans le rapport, pour qui les « deux solutions ont leurs avantages et inconvénients. »

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