D’après Moscou, l’aviation syrienne aurait frappé un « entrepôt de produits toxiques »

La diffusion de gaz apparemment neuro-toxiques à Khan Cheikhoun, une localité de la province syrienne d’Idleb, contrôlée en très grande partie par des groupes rebelles et jihadistes, a suscité l’indignation de la communauté internationale, laquelle accuse le régime de Bachar el-Assad d’en être le responsable. Un dernier bilan fait état d’au moins 72 tués.

« Cet acte odieux du régime de Bachar el-Assad est la conséquence de la faiblesse et du manque de détermination de l’administration précédente », a ainsi fait valoir Sean Spicer, le porte-parole de la Maison Blanche, évoquant le pas en arrière du président Obama lors de l’attaque chimique ayant visé, en août 2013, le quartier de la Goutha, près de Damas. « Les Etats-Unis sont aux côtés de leurs alliés à travers le monde pour dénoncer cette attaque intolérable », a-t-il ajouté.

À Berlin, le ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a parlé d’un « acte d’une cruauté sans équivalent » s’il se « vérifiait que des gens ont été victimes d’une attaque chimique. »

Pour le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, ces « évènements horribles montrent malheureusement que des crimes de guerre continuent (d’être commis) en Syrie et que le droit humanitaire international est violé fréquemment. »

« Crime de guerre », c’est l’expression utilisée par le président Hollande, à l’issue d’un Conseil de défense tenu à l’Élysée ce 5 avril. Après avoir, la veille, dénoncé la « responsabilité » du régime syrien, le chef de l’État a en effet « appelé à une réaction de la communauté internationale à la hauteur de ce crime de guerre. »

Pour le moment, il est difficile de dire avec certitude ce qu’il s’est passé. L’on sait que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué que l’attaque de Khan Cheikhoun semble avoir impliqué des armes chimiques, étant donné que des « des signes compatibles avec une exposition à des produits organosphosphorés, une catégorie de produits chimiques incluant des agents neurotoxiques » ont été constatés.

Proche alliée de Damas, la Russie, via son ministère de la Défense, a affirmé quelques heures après l’attaque présumée, que l’aviation syrienne avait en réalité frappé un bâtiment dans lequel étaient entreposés des substances toxiques.

« Selon les données objectives du contrôle russe de l’espace aérien, l’aviation syrienne a frappé près de Khan Cheikhoun un grand entrepôt terroriste », a indiqué un communiqué du ministère russe de la Défense. Ce dernier abritait « un atelier de fabrication de bombes, avec des substances toxique », a-t-il ajouté, sans précisé si la frappe syrienne avait été volontaire ou non. « L’arsenal d’armes chimiques a été livré par des combattants venant d’Irak », a-t-il avancé, en qualifiant ses informations d' »entièrement fiables et objectives ».

Ce qu’a démenti Hassan Hadj Ali, un chef rebelle. « Tout le monde a vu l’avion quand il a largué les gaz », a-t-il dit à l’agence Reuters. « Tous les civils de la zone savent qu’il n’y a aucune position militaire ici ou emplacement de fabrication (d’armes). Les différentes composantes de l’opposition ne sont pas capables de produire ces substances », a-t-il ajouté.

Sur les réseaux sociaux, des sources proches de la rébellion syrienne ont diffusé des images de ce qu’elles ont présenté commé étant le point d’impact de la frappe. Seulement, cela ne peut pas être confirmé par une source indépendante. Toutefois, des secouristes – les « casques blancs » – ont affirmé avoir « ramassé des morceaux d’obus, de la terre, des vêtements des victimes pour les faire analyser » afin de prouver qu’une « attaque a bien été menée dans cette zone. »

Cela étant, la version donnée par Moscou est mise en doute. Ainsi, le médecin urgentiste Raphaël Pitti, spécialiste de la médecine de guerre, a affirmé sur les ondes d’Europe1 qu’il aurait fallu « une explosion suffisamment importante pour chauffer le liquide que représente le sarin [gaz neuro-toxique, ndlr] » pour « ensuite permettre une vaporisation. » Or, a-t-il ajouté, « je ne vois pas comment une explosion sur un bâtiment aura pu réussir à chauffer le sarin à ce point pour qu’il puisse contaminer plus de 400 personnes. »

Par ailleurs, la provenance des substances toxiques avancée par Moscou pose question. En Irak, ce sont les jihadistes de l’État islamique (EI ou Daesh) qui sont à la manoeuvre. Et leurs relations avec ceux de l’ex-Front al-Nosra, présent dans la province d’Idleb, sont loin d’être au beau-fixe. En outre, pour le moment du moins, Daesh n’a pas été en mesure de produire du gaz sarin : il n’a utilisé que du gaz moutarde (ypérite) et du chlore.

Reste que, théoriquement, la Syrie ne dispose plus d’arsenal chimique depuis 2013, ce dernier ayant même été détruit sous l’égide de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), laquelle a fait savoir, le 4 avril, qu’elle était en train de « rassembler et analyser des informations de toutes les sources disponibles » avant de dévoiler ses conclusions. On en saura plus à ce moment-là. En attendant, cette affaire doit être au menu du Conseil de sécurité des Nations unies, ce 5 avril.

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