Le président turc menace : « Demain, aucun Européen ne pourra faire un pas dans la rue en sécurité »

Les relations entre la Turquie et l’Allemagne sont tendues depuis plusieurs mois, notamment après la reconnaissance du génocide arménien par le Parlement allemand. Mais elles se sont dégradées davantage après la décision de Berlin de pas autoriser des meetings électoraux favorables au président turc, Recep Tayyip Erdogan, sur son territoire. Les Pays-Bas ont pris la même mesure alors que la France a permis une réunion du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, à Metz.

Cet incident a provoqué la colère d’Ankara, qui n’a pas eu de mots assez durs à l’égard des Pays-Bas et de l’Allemagne. Et les autorités turques accumulent les points Godwin (associer ses interlocuteurs au nazisme pour les « disqualifier »), M. Erdogan ayant été jusqu’à accuser Angela Merkel, la chancelière allemande, de « pratiques nazies ».

Qui plus est, Berlin a aggravé son cas auprès des autorités turques avec l’entretien donné à l’hebdomadaire Der Spiegel par Bruno Kahl, le direction de son service de renseignement extérieur (BND). Selon lui, le prédicateur Fethullah Gülen ne serait pas à l’origine de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, contrairement à ce qu’affirme Ankara.

« La Turquie a essayé à différents niveaux de nous en convaincre. Mais jusqu’ici elle n’y est pas parvenue », a affirmé M. Kahl. « Ce que nous avons vu à la suite du putsch, aurait eu lieu de toute façon, peut-être pas avec la même ampleur et avec une telle radicalité », a-t-il continué. « Le putsch n’était qu’un prétexte bienvenu », a-t-il ajouté, au sujet 41.000 personnes arrêtées en Turquie et aux 100.000 fonctionnaire limogés ou suspendus ains qu’aux médias et associations fermés après le 15 juillet.

« Le putsch n’a pas été initié par l’Etat. Avant le 15 juillet une grande purge opérée par le gouvernement avait déjà commencé. […] C’est pourquoi une partie des militaires pensaient qu’ils devaient rapidement commettre un putsch avant d’être eux aussi touchés [par les purges, ndlr]. Mais il était trop tard et ils ont eux même été l’objet de purges », a expliqué le chef du BND.

Quoi qu’il en soit, et en plaidant pour le maintien de la Turquie au sein de l’Otan, Berlin avait jusqu’à present cherché à éviter toute surenchère qui aurait servi de prétexte à M. Erdogan pour mobiliser davantage ses partisans lors du référendum constitutionnel d’avril prochain. Mais les derniers propos qu’il a tenus à l’égard de Mme Merkel ont fait déborder le vase.

« Les comparaisons avec le nazisme qui viennent de Turquie doivent cesser. Il n’y pas de ‘si’ ou de ‘mais’ qui tiennent. […] Nous n’allons pas tolérer que la fin justifie toujours les moyens et que tous les tabous tombent, sans respect pour la souffrance de ceux qui ont été poursuivis et assassinés durant le national-socialisme », a réagi, le 20 mars, la chancelière allemande. Son futur concurrent aux élections fédérales de septembre, le social-démocrate Martin Schulz, est allé dans le même sens. « C’est insolent, c’est une effronterie que le dirigeant d’un pays ami insulte ainsi la dirigeante de ce pays », a-t-il dit.

Seulement, M. Erdogan est allé encore plus loin en s’adressant à l’Allemagne et aux autres pays européens.

« Je m’adresse une nouvelle fois aux Européens (…) La Turquie n’est pas un pays qu’on peut bousculer, dont on peut jouer avec l’honneur, dont on peut expulser les ministres », a-t-il lancé, le 22 mars, lors d’un discours. Et d’ajouter : « Le monde entier suit ce qu’il se passe de très près. Si vous continuez de vous comporter de cette manière, demain, aucun Européen, aucun occidental ne pourra plus faire un pas en sécurité, avec sérénité dans la rue, nulle part dans le monde. »

Pour le moment, les propos de M. Erdogan n’ont suscité aucune réaction au sein de l’Union européenne. En presque. Ce 23 mars, le commissaire européen chargé des migrations, Dimitris Avramopoulos, a dit craindre un « désastre » si l’accord conclu avec Ankara sur les migrants « s’effondrait », avant de déplorer un « mode diplomatique néfaste pour tout le monde. »

Les relations avec la Turquie et les Occidentaux deviennent de plus en plus difficiles. Et cela, alors qu’elle a opéré un spectaculaire rapprochement avec la Russie. Parmi les sujets de fâcherie, on peut citer le soutien apporté par la coalition anti-jihadiste aux milices kurdes syriennes face à l’État islamique ou encore les critiques adressées à Ankara pour les purges lancées après la tentative de coup d’État de l’été dernier. À ce sujet, les autorités turques ont vivement critiqué leurs homologues grecques, pour leur refus d’extrader 8 militaires turcs ayant trouvé refuge en Grèce.

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