Les statistiques de l’Otan sur les dépenses militaires des États membres sont à manier avec précaution

Le rapport annuel du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, reprend des données déjà avancées en février. À savoir que, dans l’ensemble, les dépenses militaires des pays européens membres de l’Alliance sont reparties à la hausse et que seulement 5 Alliés (États-Unis, Grèce, Estonie, Royaume-Uni et Pologne) ont dépassé l’objectif des 2% du PIB alloués à leur défense.

« Les dépenses de défense des Alliés européens et du Canada ont augmenté de 3,8%, ce qui représente un montant d’environ 10 milliards de dollars » et « 23 pays de l’Alliance ont réhaussé le niveau de leurs dépenses en termes réels », est-il avancé dans ce document.

Cela étant, le communiqué qui accompagne ce rapport prévient que « du fait des différences entre la définition Otan des dépenses de défense et les definitions nationales, les chiffres présentés dans le présent communiqué peuvent s’écarter considérablement des chiffres correspondants qui sont cités par les medias, publiés par les autorités nationales ou qui figurent dans les budgets nationaux. »

Le fait est, certains pays membres incluent, par exemple, les dépenses liés à leur force de gendarmerie (sous statut militaire), ce qui n’est plus le cas de la France depuis 2007. Du coup, il est compliqué d’établir des comparaisons entre les Alliés dans la mesure où les chiffres contenus dans le rapport de l’Otan recouvrent des réalités fort différentes d’un membre à un autre.

En outre, la fameuse variable des budgets militaires exprimés en fonction de leur part dans la richesse nationale (PIB) ne permet pas de mesurer l’efficacité de la dépense. Au plus, ce n’est qu’un indicateur utile pour fixer un montant – et donc un objectif – à atteindre.

C’est d’ailleurs ce qu’a fait valoir le député Alain Marty, au cours de l’audition par la commission de la Défense, de Mme Amélie Verdier, la directrice du Budget, qui, par ailleurs, avait déploré le manque d’homogénéité des statistiques de l’Otan, étant donné que « chaque pays dispose d’une marge de manœuvre lorsqu’il fait état de ses dépenses ».

« Tous les pays membres de l’Otan ne peuvent pas prétendre au même niveau d’investissement. La France a des spécificités, notamment la force de dissuasion dont les autres pays européens, Royaume-Uni mis à part, ne disposent pas, ainsi que son engagement dans des théâtres d’opérations extérieures ce qui n’est pas le cas des autres pays membres de l’Union européenne. Aussi convient-il de raisonner en termes d’objectifs de financement plutôt que d’en appeler à ces 2 % », a dit M. Marty lors de l’audition de Mme Verdier.

En outre, pour le député Yves Fromion, « le montant des 2% […] correspond aux réalités de notre défense, qui inclut des forces nucléaires ainsi que des forces conventionnelles d’un niveau suffisamment important. [Ils] sont nécessaires au seul entretien de notre modèle de défense, et nous n’avons pas besoin d’une injonction de l’Otan pour le savoir. »

A contrario, si l’Allemagne devait porter le total de ses dépenses militaires à 2% de son PIB, ses forces armées bénéficieraient d’un budget annuel de l’ordre de 60 milliards d’euros, alors qu’elles ne mettent pas en oeuvre de dissuasion nucléaire, qu’elles n’ont pas à surveiller un domaine maritime étendu et qu’elle ne participent pas autant (et ni en intensité) que leurs homologues françaises aux opérations extérieures.

Cependant, une autre variable serait sans doute plus pertinente pour mesurer l’effort de défense d’un pays : celle des dépenses militaires par habitant. Là, le classement est très différent de celui des budgets exprimés en part de PIB. Si les États-Unis arrivent en tête avec 1.870 dollars par habitant (en prix constant 2010), la Norvège arrive en seconde position (1.399 dollars/h), suivie par le Royaume-Uni (907 dollars/h) et la France (753 dollars/h).

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]