Comment les militaires français ont formé les troupes d’élite irakiennes

Ce 13 mars, les forces irakiennes, et en particulier celles relevant de l’ICTS (Iraqi Counter Terrorism Service) consolident leurs positions dans la partie ouest de Mossoul avant de s’attaquer à la phase sans doute la plus délicate de l’opération en cours : reprendre à l’État islamique (EI ou Daesh) le coeur historique de la ville.

Pour une bonne partie, les soldats de l’ICTS ont été formés par des instructeurs français à partir de 2015. Cette année-là, la 13e Demi-Brigade de Légion étrangère (DBLE), alors implantée aux Émirats arabes unis, et le 31e Régiment du Génie (RG) avaient été solicités pour armer les Détachements d’instruction opérationnelle (DIO) envoyés auprès des forces irakiennes, dans le cadre de l’opération Chammal.

Dans un numéro de « Fantassins » [.pdf], une revue éditée par les Écoles militaires de Draguignan, le lieutenant-colonel A., chef du bureau « opérations instructions » de la 13e DBLE est revenu sur l’approche des militaires français pour former le plus efficacement possible les soldats de l’ICTS, lesquels sont en général immédiatement engagés dans les opérations à l’issue de leur instruction.

Certes, le mérite des succès remportés sur le terrain par l’ICTS ne revient pas uniquement aux seuls militaires français, dans la mesure où d’autres membres de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis ont aussi envoyés des instructeurs auprès des forces irakiennes.

Cependant, les méthodes françaises en matière de formation ont tranché avec celles des autres pays ayant fourni des instructeurs dans la mesure où le DIO de la 13e DBLE a fait le choix de cultiver une forte proximité avec les soldats irakiens, en s’installant au sein même de l’académie de l’ICTS.

« La proximité vécue au quotidien pendant une année avec les Irakiens a été et demeure le centre de gravité du détachement : elle a en effet permis de mieux comprendre cette armée, culturellement très différente », souligne en effet le lieutenant-colonel A..

Or, cette compréhension a été la clé pour adapter les formations au style mais aussi aux attentes des militaires irakiens. « Ainsi, la pédagogie par l’exemple, peu commune au sein de la coalition, a rapidement brisé une distance, logique entre un stagiaire et son formateur, mais accentuée ici par la barrière linguistique. Dans le même ordre d’idée, la pédagogie de la démonstration et du drill s’est montrée particulièrement efficace avec ce type de population », explique le chef du bureau « opérations instructions » de la 13e DBLE.

En outre, cette proximité a aussi permis d’accroître le confiance entre les militaires français et les stagiaires irakiens. Et grâce à ces liens, il a pu être possible d’établir un dialogue « direct et très réactif », ce qui est, pour le lieutenant-colonel A., un « gage d’une formation s’adaptant mieux et plus vite aux besoins immédiats » de l’ICTS. En clair, les propositions faites par le DIO français ont été beacoup plus facilement acceptées.

Cela étant, cette immersion des instructeurs français au sein de l’académie de l’ICTS, aussi efficace soit-elle, ne doit pas faire perdre de vue les aspects sécuritaires, étant donné que le risque d’incidents « green on blue » [attaque menée par un assaillant infiltré, ndlr] est toujours à prendre en compte. Un tel incident est susceptible de miner cette confiance recherchée.

Aussi, explique le lieutenant-colonel A., « la sécurité de ce DIO vivant au milieu des stagiaires de l’ICTS a donc été prise en compte en recherchant, face à chaque menace, à concilier efficacité et acceptabilité ». En clair, l’approche a été radicalement différente de celle adoptée en Afghanistan. « Il aurait par exemple été impossible de déployer des ‘anges gardiens’ lourdement équipés sans mettre à mal l’affichage du DIO », a-t-il fait valoir. Du coup, les instructeurs portaient en permanence des « armes courtes, avec des postures des armes différenciées selon les activités. »

En outre, la confiance n’a pas exclu la vigilance : d’où l’importance de connaître les dispositifs de garde ainsi que ceux qui y étaient affectés et/ou de déceler le moindre changement de comportement d’un stagiaire à l’égard des instructeurs français. Mais, ajoute le lieutenant-colonel A., cet « aspect sécuritaire également permis de créer une relation particulière avec le commandement de l’académie, dont le chef avait un souci permanent de la sécurité de ‘ses Français’, de ‘ses légionnaires’. »

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