L’Europe est-elle prête à voir le budget militaire allemand être porté à 60 milliards d’euros?

En mai dernier, Nicolas Sarkozy avait critiqué la politique de défense menée par son successeur, François Hollande, en soulignant que le budget militaire de l’Allemagne dépassait celui de la France.  »

« Le budget est actuellement de 32 milliards d’euros. Pour la première fois depuis 1945, la France dispose d’un budget de la défense inférieur à celui de l’Allemagne [34 milliards, ndlr]. Quel symbole ! Cela en dit long sur la perte d’influence de la France, sur les ambitions allemandes et le manque d’ambition français », avait-il lâché, oubliant au passage que les courbes s’étaient croisées pendant son quinquennat.

Mais il n’y a peut-être pas qu’en France où le budget militaire allemand suscite des commentaires. D’autant plus que le leadership de l’Allemagne au sein de l’Union européenne, de par sa santé économique et son influence, est regardé avec méfiance. En Grèce, par exemple, où l’on peine à se remettre de la crise de la dette, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, avait été caricaturé, par un journal, en 2015, en officier de la Wehrmacht, ce qui donna lieu à des protestations officielles de Berlin. Et ce n’était pas la première fois que cela arrivait.

Cela étant, on ne peut pas demander à l’Allemagne de s’impliquer militairement dans les opérations extérieures et lui reprocher d’augmenter son budget de la défense… Et, comme les autres membres de l’Otan, elle a pris l’engagement de porter le niveau de ses dépenses militaires à 2% de son PIB d’ici 2024.

Évidemment, au regard de ses résultats économiques, un tel pourcentage de la richesse nationale équivaut une somme très importante. Selon Sigmar Gabriel, désormais ministre Affaires étrangères [avoir été celui de l’Économie, ndlr], atteindre cet objectif fixé par l’Otan reviendrait à doter la Bundeswehr d’un budget annuel de 60 milliards d’euros.

Or, le chef de la diplomatie allemande s’est interrogé, lors d’un déplacement en Estonie, ce 1er mars, si l’Europe était prête à voir Berlin dépenser autant pour ses forces armées. Pour le coup, l’Allemagne cocherait au moins deux cases (suprématie économique et militaire) qui en feraient une superpuissance européenne.

L’Allemagne « doit faire plus » en matière de dépenses militaires, mais l’Europe veut-elle qu’elle mette 60 milliards d’euros par an dans son armée? », a en effet demandé M. Gabriel. « Ce serait le résultat si nous dépensions 2% [du PIB]. Ce serait notre suprématie militaire en Europe et je pense que nos voisins n’aimeraient pas cela », a-t-il ajouté, au cours d’une conférence de presse donnée aux côtés de Sven Mikser, son homologue estonien.

En 2016, le budget militaire allemand était équivalent à 1,2% du PIB. Pour cette année, Berlin envisage de l’augmenter d’environ 8%, pour le porter à 37 milliards d’euros. En outre, un plan d’investissement de 130 milliards sur 15 ans a été décidé pour combler les trous capacitaires de la Bundeswehr et les effectifs militaires vont augmenter plus que prévu.

L’objectif des 2% du PIB est globalement accepté par les principales formations politiques allemandes. Mais le calendrier pour y parvenir fait débat. Ainsi, Sigmar Gabriel n’est pas partisan d’une hausse rapide. Toutefois, il a estimé « correct que l’Europe accepte que l’époque où les Etats-Unis ont pris sur eux le principal effort de défense est révolue », d’autant plus que « PIB de l’Europe est le même que celui des États-Unis ». Aussi, a-t-il ajouté, « il n’y a aucune raison de demander plus aux États-Unis qu’à l’Europe. »

Seulement, pour le ministre allemand, les dépenses militaires ne doivent pas être l’alpha et l’omega des politiques de sécurité. « Je ne pense pas que la sécurité du monde d’aujourd’hui puisse être garantie uniquement par les dépenses pour la défense. La plupart des guerres et les développements de la crise migratoire actuelle ne sauraient être résolus avec davantage de matériel, mais en protégeant les gens contre la famine, la pauvreté et la guerre », a-t-il dit.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]