Un responsable politique polonais souhaite la protection d’un parapluie nucléaire américain ou européen

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L’élection de Donald Trump aux États-Unis suscite de l’inquiétude chez la plupart des pays européens en raison des propos que le successeur de Barack Obama a tenus au sujet de l’Otan quand il était en campagne électorale. Propos qu’il a encore répétés peu avant son investiture, le 20 janvier dernier.

Pour rappel, M. Trump avait qualifié l’Otan « d’obsolète » et semblé remettre en cause la clause de défense collective (article 5) en affirmant que, lui président, les États-Unis décideraient d’intervenir militairement pour défendre un Allié agressé après avoir vérifié s’il avait bien rempli ses engagements en matière de dépenses de défense.

Depuis, l’administration de M. Trump a donné des gages sur l’Otan. Du moins, le général James Mattis, le nouveau patron du Pentagone, s’est attelé à rassurer les Alliés juste après avoir pris ses fonctions.

Cela étant, les déclarations du 45e président américain ont jeté un trouble certain, d’autant plus que, d’après les derniers développements outre-Atlantique, il applique ce qu’il annoncé. Et des responsables politiques européens se demandent si l’Otan ne risque pas de devenir une coquille vide dans le cas où les États-Unis décideraient de s’en détourner. D’où les quelques avancées en matière de défense européenne obtenues en décembre dernier. Mais si on en arrive là, quid du parapluie nucléaire de l’Alliance?

« La responsabilité première de l’Alliance est de protéger et de défendre le territoire et la population de ses pays membres contre une attaque, en vertu de l’article 5 du traité de Washington. […] La dissuasion, articulée autour d’une combinaison appropriée de capacités nucléaires et conventionnelles, demeure un élément central de notre stratégie d’ensemble. […] Aussi longtemps qu’il y aura des armes nucléaires, l’OTAN restera une alliance nucléaire », peut-on lire dans le concept stratégique de l’Otan, adopté en novembre 2010.

Dans les faits, cette dissuasion nucléaire de l’Alliance repose essentiellement sur des bombes B-61américaines, pouvant être mises en oeuvre par des avions de 5 pays membres (Belgique, Allemagne, Italie, Turquie et Pays-Bas), selon le principe dit de la double-clé, c’est à dire que leur code d’armement relève exclusivement des États-Unis.

Et, si jamais l’Otan disparaît, ses membres européens ne pourraient plus compter sur ce « parapluie » nucléaire. En novembre, Henrik Müller, un éditorialiste de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, avait estimé qu’une telle perspective constituerait un « tournant » qui obligerait « l’Europe à garantir sa propre sécurité ». Et d’ajouter : « La réticence allemande a utiliser la force militaire sera aussi longtemps sympathique tant que l’Europe sera sous la protection des États-Unis. Et si un président Trump remet en cause ce soutien, alors l’Europe aura besoin de sa propre force de dissuasion. »

En Pologne, où l’on craint les visées russes, cette question fait aussi débat. Et l’ancien Premier ministre Jaroslaw Kaczynski, actuellement président du parti Droit et justice (PiS) au pouvoir, y a apporté son écot, sans pour autant faire preuve de clarté.

Ainsi, dans un entretien donné au quotidien conservateur Gazeta Polska, M. Kaczynski a déclaré que la Pologne « devrait œuvrer pour [son] inclusion […] dans le système américain de défense nucléaire », ce qui, pour lui, serait « la solution optimale ». Mais il n’a pas précisé ce qu’il entendait par là… Souhaite-t-il que son pays soit désigné pour accueillir un dépôt de bombes B-61 et que l’aviation polonaise soit éventuellement en mesure de l’utiliser, comme les 5 autres pays de l’Otan déjà cités?

Dans ce cas, ce ne serait pas nouveau. Avant lui, l’ex-président Lech Walesa avait fait une telle demande. « Nous devrions emprunter, prendre en location, des armes nucléaires et montrer à Poutine que si un soldat russe pose un seul pied sur notre sol, nous frapperons. Que ce soit clair », avait-il lancé, en septembre 2014. Même chose pour le ministre adjoint à la Défense polonais, Tomasz Szatkowski, qui avait affirmé, en décembre 2015, que Varsovie envisageait de demander l’accès aux armes nucléaires de l’Otan… avant d’être démenti par son propre ministère.

Cela étant, avant de s’exprimer dans les colonnes de la Gazeta Polska, et à l’occasion d’un autre entretien, cette fois accordé au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, M. Kaczynski a défendu une autre option, en disant souhaiter que l’Europe devienne une « superpuissance nucléaire ».

« J’y serais favorable » à condition que ce soit « une proposition sérieuse », a-t-il dit. « Je la saluerais avec satisfaction. L’Europe deviendrait une superpuissance. Mais un ou deux sous-marins nucléaires ne seraient pas suffisants », a-t-il ajouté.

Quoi qu’il en soit, les propos de M. Kaczynski rejoignent peu ou pros certaines positions affichées par quelques responsables politiques allemands. Ainsi, l’un d’eux, Roderich Kiesewetter, porte-parole pour les Affaires étrangères du groupe CDU/CSU au Bundestag [chambre basse du Parlement] a évoqué l’idée d’un parapluie nucléaire européen qui, s’appuyant sur les capacités françaises et britanniques serait en partie financé par l’Allemagne.

Sauf que, Brexit oblige, une tel développement ne pourrait pas se faire dans le cadre de l’Union européenne… Et la doctrine française en la matière, rappelée par le dernier Livre blanc sur la défense, précise que « la dissuasion nucléaire protège la France contre toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. » Qui plus est, Paris n’a pas intégré le groupe des plans nucléaires de l’Otan. Toutefois, en 2015, le président Hollande avait affirmé que « l’existence d’une dissuasion nucléaire française apporte une contribution forte et essentielle à l’Europe. »

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