Le chef de la mission de l’Otan en Afghanistan réclame des renforts

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Des pertes subies par les forces de sécurité en hausse de 35% sur un an, des victimes civils sans cesse plus nombreuses, une influence gouvernemental qui se réduit progressivement pour ne concerner plus que 57% des 407 districts que compte le pays, une autorité contestées par les taliban dans plusieurs capitales provinciales… Plus de deux ans après la fin de la mission de combat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), déployée en Afghanistan sous l’égide de l’Otan, la situation afghane n’incite guère à l’optimisme…

Pourtant, les forces afghanes, si elles sont maintenant en première ligne, restent encore soutenues par l’Otan, via la mission Resolute Support, laquelle compte environ 13.300 hommes, dont 8.600 soldats américains. Pour faire face à la dégradation de la situation, qui se traduit aussi par une hausse sensible du nombre de frappes aériennes menées en appui, ces derniers ont vu, l’an passé, leurs règles d’engagement être assouplies par le président Obama.

Pendant longtemps, des discours optimistes sur l’avenir de l’Afghanistan ont été tenus. Mais la méthode Coué ne dure qu’un temps, la réalité finissant toujours par s’imposer. En outre, des erreurs d’appréciation ont peut-être été commises. Par exemple, éliminer en mai 2016, par une frappe de drone, le chef du mouvement taleb, le mollah Mansour, alors qu’il était fortement contesté en interne en est sans doute une. Encore que, l’on ne dispose pas de tous les éléments pour expliquer ce qui a pu amener à prendre une telle mesure.

Quoiqu’il en soit, cette situation exige de nouvelles décisions pour tenter d’inverser la tendance. Aussi, le général américain John Nicholson, le commandant de la mission Resolute Support, a estimé nécessaire le renfort de « quelques milliers d’hommes ».

« Dans la mission d’entraînement et de conseil » aux forces de sécurité afghanes, « nous avons un manque de quelques milliers » de soldats, a en effet déclaré le général Nicholson, le 9 février, lors d’une audition devant le comité des Forces armées du Sénat. Seulement, ce ne sera pas si simple de les trouver.

L’Allemagne, qui dispose de l’un des contingents les plus importants en Afghanistan, ne sera sans doute pas prête pour un tel effort, d’autant plus qu’elle regarde plus vers l’Afrique, et en particulier le Mali. Et l’Italie, qui consent déjà un effort important, fera probablement en fonction de ses disponibilités financières, qui ne sont pas au plus haut ces temps-ci…

On devrait y voir plus clair sur les intentions des uns et des autres à l’occasion d’une réunion de l’Otan, prévue à la mi-février, dans la mesure où cette question y sera évoquée. D’après le général Nicholson, « tant les États-Unis que les autres alliés pourraient être appelés à fournir des troupes supplémentaires pour répondre aux besoins. »

Cela étant, on ne connaît pas précisément les intentions du président Trump au sujet de l’Afghanistan. En décembre, il fut rapporté qu’il « réfléchirait à l’éventuel envoi de troupes supplémentaires » à l’issue d’un entretien téléphonique avec Ashraf Ghani, son homologue afghan.

En tout cas, à Kaboul, l’on s’est réjoui de propos du général Nicholson. « Nous saluons la proposition de déployer des milliers de troupes supplémentaires en Afghanistan afin de former et conseiller efficacement les forces afghanes », a ainsi réagi Dawlat Waziri, le porte-parole du ministère afghan de la Défense. «  »La guerre en Afghanistan est une guerre contre le terrorisme et nous voulons qu’elle ait une fin victorieuse. C’est pourquoi nous considérons cela une étape positive », a-t-il fait valoir.

Par ailleurs, le général Nicholson a répété aux sénateurs américains ce qu’il avait dit en décembre au sujet du rôle joué sur la scène afghane par la Russie, du Pakistan et de l’Iran. Selon lui, cette influence « continue de donner légitimité et soutien aux talibans et d’affaiblir les efforts afghans pour créer un Afghanistan stable. » Les autorités afghanes pensent exactement la même chose.

Sachant du rôle du Pakistan, il ne fait mystère pour personne qu’une partie de ses services secrets (ISI) soutient les taliban afghans depuis leur apparition. Quant à l’Iran, les accusations de collusion avec ces derniers ne sont pas non plus nouvelles : elles avaient été évoquées dès 2009. Pour Téhéran, leur apporter un soutien permettait de lutter par procuration contre les troupes américaines.

Enfin, pour la Russie, l’objectif est d’éviter à tout prix l’implantation de l’État islamique en Afghanistan. Et comme le mouvement taleb afghan n’aurait que des motivations nationalistes et qu’il ne reconnaît par le « calife » Abou Bakr al-Baghdadi, il est perçu à Moscou comme un rempart.

« Les intérêts des taliban coïncident objectivement avec les nôtres », avait avancé au sujet de l’EI, en décembre 2015, le réprésentant spécial russe pour l’Afghanistan, Zamir Kaboulov. « J’ai déjà dit auparavant que nous avions des canaux de communication avec les talibans pour échanger des informations », avait-il ajouté.

Cependant, M. Kaboulov a dit autre chose, ce 10 février. « Ce n’est pas le moment idéal pour retirer d’Afghanistan les soldats étrangers, y compris les soldats américains », a-t-il en effet déclaré. « La situation sécuritaire dans le pays se dégrade et les forces afghanes ne sont pas en mesure de résister seules à l’opposition armé », a-t-il continué. Et d’insister : « Compte tenu de la situation actuelle, un départ précipité des soldats étrangers aurait des conséquences imprévisibles et réduirait à néant le peu de progrès qui a été fait ces dernières années. »

Ces propos trahissent-ils un changement d’approche? « Le nombre total d’extrémistes se trouvant dans le nord de l’Afghanistan se chiffre à environ 15.000 personnes. Il y a un risque que ces combattants tentent de s’étendre sur le territoire de pays voisins en Asie centrale », a encore expliqué M. Kaboulov.

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