Général de Villiers : « On ne gagne pas une guerre sans effort de guerre »

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Lors de ses précédentes prises de parole, devant un public au fait des questions militaires, le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées (CEMA), n’a cessé de mettre en avant la nécessité de porter au plus vite, c’est à dire avant 2022, le budget de la Défense à 2% du PIB [contre 1,77%, pensions comprises, actuellement], conformément, d’ailleurs, à l’engagement pris par la France auprès de l’Otan.

Fait relativement rare, le CEMA a réaffirmé cette position dans les colonnes d’un grand quotidien, en l’occurrence Les Échos, lequel s’adresse principalement aux décideurs économiques. Le choix de ce journal n’est donc pas un hasard…

Dans un premier temps, le général de Villiers a dressé un constat. « La paix, désormais ne va plus de soi. Il faut la conquérir et s’extraire du piège dans les deux mâchoires sont le déni et la désespérance », a-t-il fait valoir, en référence au combat mené contre le « terrorisme islamiste radical ». Et de rappeler que les forces armées font preuve d’une « détermination sans faille » face à cet ennemi, qui « a érigé la violence en système ».

Pour autant, a souligné le CEMA, il est tout aussi impératif de « ne pas se laisser aveugler par cette seule menace, immédiate et concrète » car il faut aussi prendre en compte le « retour des États puissance », lesquels appliquent des « stratégies qui reposent sur le rapport de force, voire le fait accompli. » C’est notamment le cas de la Chine et de la Russie.

Face à cela, et comme il l’a déjà dit par le passé, le « modèle » des armées françaises est bon mais « taillé au plus juste ». Or, a continué le général de Villiers, « il faut comprendre que le moindre décalage de cohérence entre les menaces, les missions et les moyens s’apparente au grain de sable qui grippe le système et conduit à la défaite. » Et de lancer : « On ne gagne pas la guerre sans effort de guerre ».

Après avoir salué la fin de « la tendance baissière » des crédits alloués aux armées et le rôle tenu par Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, dont le « volontarisme » a été soutenu par les chefs d’état-major d’armée, le général de Villiers estime que cet effort budgétaire doit maintenant « se traduire par une hausse progressive […] pour rejoindre la cible de 2% du PIB avant la fin du prochain quinquennat. »

Et cela pour au moins trois raisons. La première est qu’il est impératif de permettre aux armées de récupérer les capacités auxquelles elles ont dû renoncer temporairement à cause des contraintes budgétaires. « Demain, si rien n’est fait, ces impasses affecteront sérieusement la conduite des opérations », a averti le CEMA.

Le second objectif vise à aligner les contrats opérationnels des armées sur « la réalité des capacités que nous engageons en opérations : hommes, équipements, logistique, munitions, etc… ». Or, ceux définis par le dernier Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale (LBDSN) publié en 2013 sont actuellement largement dépassé. « Cette situation de distorsion […] n’est pas pas tenable dans un contexte de dégradation durable de la sécurité et ne pourra être résolue par une réponse exclusivement fondée sur le ‘tout technologique' », a fait valoir le CEMA.

Enfin, la dernière raison concerne le renouvellement des composantes de la dissuasion nucléaire. En différer la décision, insiste le général de Villiers « acterait, en réalité, un véritable renoncement ».

Mais comme, avec cette tribune, le général de Villiers s’adresse aux décideurs économiques, il n’a pas manqué de souligner que « 1 euro investi dans défense représente 2 euros de retombées pour l’économie nationale », avec des « effets de levier extrêmement puissants en matière de recherche et de développement, d’aménagement du territoire, d’emploi, d’exportations, in fine, de compétitivité. Et d’insister : « C’est l’existence d’une base industrielle solide et pérenne qui permet à notre pays de préserver sont autonomie stratégique. »

Aussi, porter l’effort de défense à 2% du PIB « ne pourra être ni allégé, ni reporté, en dépit de la complexité de l’équation budgétaire étatique prévisionnelle », car, pour le général de Villiers, il en va de la capacité des armées à « assurer, dans la durée, la protection de la France et des Français, face au spectre compler des menaces ». Les candidats à la prochaine élection présidentielle ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été prévenus.

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