Ouverture d’une enquête sur la fuite d’un document confidentiel sur un projet de raid français en Syrie

confidentiel-20160826Tout est parti d’un article publié cet été par le quotidien Le Monde. Intitulé « Le jour où… Obama a laissé tomber Hollande », le papier en question, signé par les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, les mêmes qui ont récemment publié un livre sur les confidences du chef de l’État, revenait sur les conditions dans lesquelles furent annulées, au dernier moment, des frappes franco-américaines contre le régime de Bachar el-Assad, juste après l’attaque chimique de la Goutha, en août 2013.

Pour illustrer leur article, les deux journalistes produisirent un document estampillé « confidentiel défense », qui donnait la chronologie du raid que devaient effectuer les avions français en Syrie. « C’est le véritable vade-mecum de l’intervention française », firent-ils valoir. Or, aucun renseignement opérationnel (cibles visées, par exemple) ne figurait dans la copie publiée par leur journal.

Visiblement mal à l’aise pour commenter les confidences du président Hollande sur les opérations clandestines et secrètes, rapportées par MM. Davet et Lhomme dans leur livre « Un président ne devrait pas dire ça », le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait relativisé cette affaire lors de son passage dans l’émission le Grand rendez-vous, le 6 novembre. « De quoi s’agit-il? De la publication dans un journal du soir d’éléments (…) sur des événements qui remontent à trois ans et en plus sur une opération qui n’a pas eu lieu? », avait-il affirmé.

Seulement, les deux journalistes du journal Le Monde n’aurait pas dû avoir un tel document sous les yeux, et encore moins entre leurs mains… D’où la procédure lancée par le député (LR) Éric Ciotti qui, après s’être ému d’une « compromission flagrante et dangereuse du secret nécessaire à notre sécurité et à notre souveraineté », a écrit au Parquet de Paris en fondant sa démarche sur l’article 40 du code de procédure pénale, lequel stipule que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

Visiblement, il a été donné une suite à la démarche de M. Ciotti puisque le Parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête pour compromission du secret relevant de la Défense nationale.

Pour le moment, a précisé une source judicaire à l’AFP, le service d’enquête n’a pas encore été saisi. Mais le parquet a « transmis un courrier au ministère de la Défense pour obtenir des réponses sur la classification du document et sur le degré éventuel d’atteinte portée à la défense nationale. »

Par ailleurs, une seconde procédure, en rapport avec les confidences présidentielles relatées dans le dernier livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, a été lancée début novembre par le député (LR) Pierre Lellouche. Il s’agit, ni plus ni moins, d’une proposition de destitution du président Hollande pour « divulgation d’informations secrètes ». Cette dernière, qui a reçu 152 signatures, sera examinée le 23 novembre par le bureau de l’Assemblée nationale.

Cette proposition est motivée, selon M. Lellouche, par le « manquement (de François Hollande) manifestement incompatible avec l’exercice de ses fonctions que constituent ses confidences concernant la défense nationale, révélées dans l’ouvrage intitulé ‘Un président ne devrait pas dire ça' ». Et de citer « la divulgation d’opérations aériennes, celle de l’exécution décidée par le chef de l’État lui-même, de chefs djihadistes », ainsi que la révélation « que la France payait pour la libération de ses otages ».

Sur les éliminations ciblées tout comme sur la divulgation de documents estampillés « confidentiel défense », le président Hollande ne risque pas grand chose, comme l’a souligné, dans les colonnnes du Figaro, Bertrand Warusfel, professeur à l’université de Lille, et avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit de la guerre et de la sécurité.

« Il sera compliqué juridiquement de poursuivre le chef de l’État. Tout d’abord parce qu’en tant que chef de l’exécutif et chef des armées, il détient la prérogative de décider de ce qui est classé secret défense ou pas. Ensuite parce que l’information qu’il donne reste extrêmement succincte puisqu’il ne divulgue ni l’identité des personnes ciblées ni les éléments de contexte, qu’il s’agisse de la temporalité, des lieux ou encore de la méthode employée. Il avoue seulement avoir décidé de quatre assassinats ciblés », a-t-il en effet estimé.

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