Pour M. Le Drian, la question de l’acquisition de drones armés se pose

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Un convoi terroriste est repéré dans le désert par un drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) de type MQ-9 Reaper mis en oeuvre depuis Niamey par l’escadron de drones 1/33 Belfort. Mais comme cet appareil n’est pas armé, il est donc fait appel à une patrouille de Mirage 2000D pour « traiter » la cible… qui, entre-temps, aura peut-être eu l’occasion de se mettre à l’abri.

Aussi, il serait nettement plus simple – et économique – de disposer de Reaper armés de missiles Hellfire (ou Brimstone) pour de tels cas de figure. Plusieurs pays ont fait ce choix : les États-Unis, bien sûr, mais aussi Israël, le Royaume-Uni et, plus récemment, l’Italie. L’Allemagne est a priori sur cette voie étant donné que les 5 drones Heron TP qu’elle envisage de louer auront la capacité d’être armés. Du moins, c’est ce qu’a souligné la Bundeswehr.

Et en France? Le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’Air, est favorable à l’idée d’armer les Reaper étant donné que, comme il a expliqué au magazine DSI en début d’année, elle « présente un intérêt d’un point de vue opérationnel » en permettant de « raccourcir considérablement les délais entre la détection d’un objectif par le drone et une frappe. »

Les propos du CEMAA ont ainsi marqué une évolution notable dans la mesure où, jusqu’alors, les responsables militaires français montrèrent quelques réticences à aborder cette question, notamment pour des questions éthiques et morales, comme l’avait indiqué l’amiral Edouard Guillaud, alors chef d’état-major des armées (CEMA), lors d’une audition au Sénat en 2012. Mais sur ce point, tout dépend des règles d’engagement que l’on se fixe.

En octobre 2015, interrogé sur ce sujet lors de l’examen, en commission élargie, à l’Assemblée nationale, des crédits alloués Forces armées dans le cadre du projet de loi de finances 2016, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait répondu que la « question restait posée », sans en dire davantage.

Un an plus tard, lors d’une audition devant la commission des Affaires étrangères, toujours à l’Assemblée nationale, le ministre a dit avoir « franchi une étape » sur ce sujet. « La France, il est vrai, ne dispose pas de drones armés. La question de leur acquisition se pose », a-t-il dit. Et d’ajouter : « Demandons-nous cependant ceci : quelle différence existe-t-il entre un missile tiré depuis un avion de chasse et un missile tiré depuis un drone? ». La réponse est dans la question : aucune.

Puisque le chef d’état-major de l’armée de l’Air le demande et que M. Le Drian y est a priori favorable, qu’est-ce qui empêche d’aller de l’avant dans ce dossier, sachant que ce n’est pas une affaire de coût?

« Je pense au débat public que cette question peut susciter », a avancé le ministre. « En Allemagne, par exemple, M. de Maizière, qui proposait d’acquérir des drones de surveillance ‘Global Hawk’, a subi une campagne d’opposition très violente au motif que les drones finiraient par être armés un jour », a-t-il ajouté.

Sauf que, sur ce point, M. Le Drian a fait fausse route. Le problème des Global Hawk (en fait, les Euro Hawk), qui a effectivement coûté cher au ministre allemand, ne portait pas sur leur armement éventuel pour la simple raison que ces appareils, développés par Northrop Grumman, n’ont pas la capacité d’emporter de missiles. En réalité, il n’a pas été possible pour Berlin d’obtenir la certification de ces drones pour leur permettre d’évoluer dans l’espace aérien européen, ce qui a abouti un désastre financier de plus de 500 millions d’euros et valu à M. de Maizière une pluie de critiques.

Quoi qu’il en soit, M. Le Drian semble craindre un débat « agité » sur la question d’armer les drones de surveillance. « En tout état de cause, j’estime que la question de l’armement de nos drones doit être posée, même s’il ne m’appartiendra pas d’y répondre seul », a-t-il dit aux députés de la commission des Affaires étrangères.

Toutefois, il y a une contradiction apparente entre les réticences à armer les Reaper de l’armée de l’Air et la volonté de développer, avec les Britanniques, un drone de combat dont la raison d’être sera d’utiliser des munitions… Ce que le ministre a admis.

« Une réponse anticipée y a déjà été apportée, au fond, par le volet de notre coopération avec le Royaume-Uni – dont la poursuite est indispensable à notre sécurité – concernant les drones de combat. Nous avons déjà investi dans ce projet, dont je ne sais jusqu’à quel stade il se poursuivra; il est pour l’instant en phase initiale. Le lancement des études, cependant, apporte d’ores et déjà un début de réponse à la question de l’armement de nos drones, avant que ne s’ouvre le débat public et parlementaire », a en effet affirmé M. Le Drian.

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