La faible disponibilité des hélicoptères de l’armée de Terre induit une « perte sèche de potentiel opérationnel »

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« Un vol de Tigre calme les esprits », dit-on désormais en Centrafrique, où deux appareils de ce type furent déployés dans le cadre de l’opération Sangaris. Et cela illustre le fait que cet hélicoptère d’attaque est essentiel aux opérations terrestres.

« C’est un outil formidable. C’est certes une ‘danseuse’ capricieuse, mais qu’on ne nous l’enlève pas) », résume le général Michel Grintchenko, le patron de l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT). En Afghanistan, cet appareil a permis de « protéger activement des convois, engageant parfois des combats violents avec les Talibans qui auraient voulu nous faire rejouer le scénario de la RC4 dans la guerre d’Indochine », rappelle-t-il.

Oui mais voilà, le taux de disponibilité technique des Tigre en dotation n’atteint même pas les 25% sur 12 mois… Et, évidemment, cela pose d’importantes opérationnelles, avec, comme le souligne le député François Lamy, rapporteur pour avis des crédits alloués à l’armée de Terre, des « effets de boucles défavorables à l’entretien des compétences des pilotes ».

Mais cela ne concerne pas seulement les équipages des Tigre… Ceux des autres types d’hélicoptères sont également affectés par la faible disponibilité des appareils de l’ALAT, laquelle est en grande partie due par la complexité de la chaîne du maintien en condition opérationelle (MCO), au rythme des opérations et au manque de maintenanciers dans les régiments.

La mécanique est simple : comme le taux moyen de disponibilité des hélicoptères de l’ALAT n’est que de 38%, il manque des appareils pour assurer la formation et l’entraînement des pilotes, d’autant plus que les machines en état de vol vont prioritairement aux opérations extérieures (OPEX).

Ainsi, le 5e Régiment d’Hélicoptères de Combat (RHC) n’a pu que « consommer » seulement, 455,3 heures de vol entre le 1er janvier et le 31 août au lieu des 984 heures qui étaient prévue.

Selon les normes de l’Otan, les pilotes doivent chacun effectuer, au minimum, 180 heures de vol d’entraînement par an. Ce seuil est porté à 200 heures pour ceux des forces spéciales. Or, comme le souligne M. Lamy, « le nombre d’heures de vol disponibles compte tenu de la faible disponibilité des hélicoptères n’est pas encore suffisant pour atteindre le niveau d’entraînement requis des pilotes spécialisés dans les parcs de nouvelle génération (Tigre et Caïman). »

Et d’ajouter : « Ces volumes sont insuffisants pour permettre à l’ensemble des pilotes de d’hélicoptères de l’armée de Terre de s’entraîner suffisamment pour être aptes aux OPEX. En effet, pour être ‘projetables’ en OPEX, les pilotes sont soumis à des conditions réglementaires d’aptitude qui exigent notamment qu’ils aient effectué au (grand) minimum 140 heures de vol sur 12 mois pour les forces conventionnelles, et 200 à 220 heures de vol dans les forces spéciales. »

Or, peut-on lire dans le rapport, il se trouve qu’entre 25% et 33% des pilotes d’un des régiments les plus sollicités pour les OPEX « n’effectuent même pas 140 heures de vol en 12 mois. »

Cette situation a plusieurs conséquences. La première est que l’ALAT, qui peine ainsi à renouveler ses compétences, se trouve face un problème dit de « régénération humaine », qui plus est aggravé par le départ d’une « génération de pilotes expérimentés. »

Selon M. Lamy, l’ALAT est ainsi contrainte à « une gestion très fine des ressources humaines », qui consiste à « identifier un à un les pilotes appelés à être engagés en OPEX 8 mois plus tard, et à concentrer sur eux les heures de vol disponibles en métropole. » Quant aux autres pilotes, en principe les plus jeunes, ils doivent « patienter » en se contentant « d’heures de vol de substitution ».

Et, au final, la tendance est de « projeter à peu près toujours les mêmes pilotes en OPEX », comme c’est le cas au 5e RHC. Mais il arrive que des équipages n’ayant pas effectué le nombre minimum requis d’heures d’entraînement soient envoyés en opération.

Et cela, précise M. Lamy, « conduit les forces à achever leur entraînement directement sur le théâtre », ce qui se traduit, selon lui, par une « perte sèche de capacité opérationnelle pour les détachements ‘hélicoptères’ sur les théâtres d’opération, car la durée de ce complément de formation est directement à imputer sur le temps de projection des personnels concernés. »

En outre, le niveau d’entraînement insuffisant de ces équipages se « traduit nécessairement par des prises de risques en OPEX. »

Pour remédier à cette situation, l’ALAT a recours à quelques « expédients », comme par exemple l’utilisation de simulateurs. Mais comme l’observe le rapporteur, elle ne peut constituer qu’un apport complémentaire et non un palliatif, étant donné que le « vol réel demeure indispensable ».

Une autre solution consiste à faire appel au secteur privé, en louant des AS332 Puma et des EC-120 Colibri à la socitété « Hélicoptères de France. » Mais cela « permet certains entraînements, mais pas tous ». Pour information, la location d’un Cougar civil coûte 10.000 euros par heure de vol, maintenance comprise.

Enfin, une autre pratique vise à partager, entre les régiments, les hélicoptères en état de vol. C’est ainsi que les Cougar et les Tigre du 5e RHC et du 4e Régiment d’Hélicoptères des Forces spéciales (RHFS) ont été mis en commun selon une « logique de plateforme ».

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