L’armée de Terre et la DGA évoquent une accélération du programme SCORPION

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Selon le député Jean-François Lamour, le 35e Régiment d’Artillerie Parachutiste (RAP) de Tarbes ne pourra plus utiliser que la moitié de ses véhicules de l’avant blindé (VAB) l’année prochaine, « à cause d’un problème d’extincteur moteur. » C’est dire si l’arrivée du véhicule blindé multi-rôles « Griffon » est attendue avec impatience.

D’où l’idée, avancée par le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre, d’accélérer le renouvellement des véhicules blindés dans le cadre du programme SCORPION (Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation).

Pour rappel, il est prévu de doter l’armée de Terre de 2.080 VBMR (dont 358 en version légère) et de 248 Engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) « Jaguar », ces derniers étant appelés à remplacer les AMX-10RC et les ERC-90 Sagaie.

En décembre 2014, et après une phase d’étude confiée au groupement MARS (Nexter, Thales et Sagem), il a été notifié une première commande de 110 Jaguar et de 780 Griffon, dont 92 exemplaires doivent être livrés d’ici 2019, c’est à dire avant le terme de l’actuelle Loi de programmation militaire.

Et selon général Bosser, « le premier GTIA (*) SCORPION est prévu pour être projetable en 2021, et la première brigade SCORPION en 2023. » Mais est-il possible d’aller plus vite?

Ce serait souhaitable, en tout cas, pour le CEMAT. « Ce qui pourrait arriver, et ce serait une bonne chose, c’est qu’au lieu de dépenser de l’argent pour faire durer les VAB, on en dépense pour acquérir davantage de véhicules SCORPION. Cela ne devrait pas entraîner de difficulté majeure, puisque c’est le même industriel. Le seul problème qui pourrait se poser est que, en accélérant le processus, l’environnement ne suive pas. C’est mon souci sur le Griffon », a-t-il en effet affirmé lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

Seulement, le programme SCORPION ne se résume pas qu’à la livraison de nouveaux véhicules dans la mesure où il est la synthèse de trois concepts, à savoir la protection maximale (ou active), la souplesse d’action et la notion de « justes effets » (ou de force maîtrisée), le tout au sein d’une « bulle opérationnelle aéroterrestre ». D’où des freins éventuels à l’accélération souhaitée par le général Bosser. Mais ce ne sont pas les seuls : l’industriel doit aussi être en mesure (et peut-être aussi avoir la volonté) d’augmenter la cadence.

« Celui qui entretient le VAB est celui qui construit un véhicule de SCORPION. Donc, je m’adresse à lui et je demande si, au lieu de dépenser sur les VAB, on ne pourrait pas accélérer SCORPION? L’industriel doit se préoccuper de la faisabilité, parce que cela lui impose une réorganisation au sein de son entreprise, et parce qu’il va devoir transformer des savoir-faire – de l’entretien du VAB à la construction de SCORPION », a expliqué le CEMAT.

« Mais on peut penser raisonnablement que si l’industriel ne fait pas effort sur le MCO (**), autrement dit si le maintien en condition des parcs anciens ne lui rapporte pas plus que la construction des nouveaux, ce modèle à périmètre financier identique est tout à fait envisageable. Les premiers contacts que j’ai eus avec l’industriel me font penser qu’on peut raisonnablement imaginer accélérer SCORPION, autrement dit qu’une chaîne qui va produire 29 véhicules de ce programme chaque année peut en produire 50 », a-t-il ajouté.

Le Délégué général pour l’armement (DGA), Laurent Collet-Billon, serait favorable à une accélération du programme SCORPION. Toutefois, il reste quelques obstacles à lever, à commencer par les « disponibilités financières ».

« Si l’on disposait de crédits supplémentaires, on parviendrait techniquement et industriellement à accélérer la production, ce à quoi je ne serais pas hostile », a en effet affirmé M. Collet-Billon aux députés de la commission de la Défense. « Il convient de mettre en perspective l’accélération potentielle du programme SCORPION, comprenant d’excellents véhicules que nous parviendrons sans doute à exporter, avec le coût d’entretien des VAB et l’indisponibilité de certains véhicules qui subissent un acharnement thérapeutique », a-t-il continué.

Et comme il est question de produire annuellement 24 Jaguar sur 10 ans, le DGA ne doute pas qu’il soit possible de faire mieux. Mais, a-t-il prévenu, « la limite à l’accélération du programme SCORPION tient dans notre souhait de terminer proprement les développements et les qualifications des matériels avant le démarrage de la production. »

Il n’est en effet pas question pour le DGA ne sauter des étapes afin d’éviter de mauvaises surprises. Les trois premiers Griffon seront livrés en 2018 et leur première capacité opérationnelle est prévue pour 2021. Ce délai correspond au temps qu’il faut à la Direction générale de l’armement et à la Section technique de l’armée de Terre (STAT) pour mener à bien leurs évaluations des véhicules ainsi qu’à celui nécessaire pour la formation des équipages.

« Tout cela prend du temps mais, je le répète, ne doit pas être galvaudé. Nous avons failli avoir le problème sur le FELIN, où nous n’avions pas suffisamment pris en compte la transformation de la mentalité des soldats, et le système a failli être laissé dans les placards », a expliqué M. Collet-Billon.

Quoi qu’il en soit, l’idée d’avancer le programme SCORPION est bien dans les tuyaux, avec l’objectif de disposer de 1.000 Griffon dès 2025, ce qui « produirait une accélération de presque 30% du rythme de livraison », selon le DGA. Mais, a-t-il tempéré, « cette affaire est à mesurer avant tout à l’aune de la disponibilité actuelle des matériels de l’armée de Terre; il ne faut pas chercher d’autre critère, afin de ne pas faire d’erreur. »

(*) Groupement tactique interarmes
(**) Maintien en condition opérationnelle

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