Face aux menaces, l’effort de défense « ne pourra être ni allégé, ni reporté », estime le général de Villiers

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Lors de son audition à l’Assemblée nationale pour évoquer le projet de loi de finances pour 2017, le chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers, a commencé par faire l’état des menaces actuelles.

Le CEMA en a identifié deux, qui sont « distinctes, mais non disjointes ». La première est celle du « terrorisme islamiste radical », lequel s’appuie sur des réseaux structurés et capables de commettre des attentats en Europe et aux États-Unis, à l’image de ce qu’il s’est passé à Paris le 13 novembre 2015, ainsi que sur des « des individus radicalisés et isolés, parfois sous influence, capables de frapper partout », comme cela a été le cas à Saint-Étienne de Rouvray ou à Magnanville.

L’autre menace évoquée par le général de Villiers résulte « du retour des États puissance », avec « de plus en plus d’États » qui « mettent en oeuvre des stratégies qui reposent sur le rapport de force, voire le fait accompli ». s’il n’a pas cité de pays en particulier, la Chine et la Russie sont régulièrement dénoncées pour ce type d’action.

Or, comme l’a souligné le général de Villiers, tous ces États « réarment ». Et la « dynamique stratégique mondiale est de plus en plus agressive », en faisant « la part belle au déni d’accès qui met en cause ce que nous tenions pour acquis, c’est-à-dire la liberté de circulation et la liberté d’action, dans le respect du droit international. » Pour le CEMA, il y a donc là un « risque majeur – et qui s’accroît – de déstabilisation qu’on aurait tort d’ignorer ou, tout simplement, de sous-estimer. »

En outre, il faut prendre en compte les modes d’action de l’adversaire, lequel, comme l’a souligné le général de Villiers, « profite d’un environnement propice à la montée des tensions avec, d’une part, le cadre espace-temps qui ne cesse de se contracter, alors que la résolution d’une crise demande, en moyenne, quinze années de constance et de persévérance, et, d’autre part, l’accès aux technologies qui se banalise et ouvre sur des possibilités infinies en matière d’agression, notamment dans le champ immatériel. »

Pour tenter de contrer « l’adversaire », il est nécessaire de le connaître et d’anticiper, si possible, ses mouvements. « Toute stratégie insuffisamment claire, toute impasse sur un seul des segments du spectre des menaces ou la méconnaissance des intentions profondes de l’ennemi sont immédiatement utilisées contre nous-mêmes et nos alliés », a fait observer le général de Villiers.

Qui plus est, cet « adversaire » est « difficile à cerner ». Pour le CEMA, l’action terroriste « n’est pas exclusive d’une intervention ou d’une instrumentalisation menée, en sous-main, par un État-puissance, au service de sa stratégie hybride. » Dommage qu’il n’ait pas développé davantage ce point… En tout cas, il a insisté sur ces deux menaces « distinctes mais pas disjointes. » Et d’ajouter : « Il y a là comme une ambiguïté qui accroît le degré de complexité du contexte dans lequel nous devons évoluer et sur lequel nous voulons peser. Il faut réapprendre à penser la guerre. »

Pour faire face à ces menaces, il importe donc que les forces françaises soient en mesure de disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, lesquelles vont de la dissuasion nucléaire aux opérations extérieures, en passant par les postures de sécurité aériennes et maritimes.

Or, pour le moment, si l’actualisation de la Loi de programmation militaire 2014-2019 a mis un terme à la tendance « baissière » des dépenses militaires, le projet de loi de finances 2017, qui porte l’effort de défense à 1,77% du PIB (pensions comprises), permet seulement « d’éviter le décrochage de nos nos moyens par rapport à nos missions et à la menace », a estimé le CEMA.

Il faudra donc faire bien davantage. Et pour le général de Villiers, cet effort de défense (ou « de guerre », comme il l’avait qualifié lors de la dernière Université d’été de la Défense) « ne pourra être ni allégé, ni reporté, en dépit de la complexité de l’équation budgétaire étatique prévisionnelle, en particulier dès 2018. » En clair, le budget de la Défense ne devra plus servir de variable d’ajustement budgétaire et son montant devra atteindre le plus rapidement possible l’équivalent des 2% du PIB. Le prochain gouvernement est prévenu…

« Désormais, cet effort doit se traduire par une hausse progressive du budget de la défense pour (…) rejoindre la cible de 2 % du PIB durant le prochain quinquennat et si possible dès 2020 », a ainsi estimé le CEMA.

Porter cet effort à ce niveau est indispensable pour « boucher les trous » capacitaires causés par les coupes budgétaires passées, « aligner les contrats opérationnels simplement sur la réalité des moyens que nous engageons aujourd’hui », étant entendu que les armées sont en suractivité, ce qui « n’est pas tenable dans un contexte de dégradation durable de la sécurité », et enfin, « assurer l’indispensable crédibilité de la dissuasion nucléaire par le renouvellement successif de ses deux composantes, océanique puis aéroportée. »

Pour le général de Villiers, les choses sont claires : comme « il y va de la cohérence de notre défense au moment du retour des États-puissances », « différer cette décision équivaudrait, en réalité, à un renoncement. »

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