Sentinelle : Selon le chef d’état-major de l’armée de Terre, il y a du retard dans le versement des primes

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Lors d’une audition à l’Assemblée nationale portant sur le projet de loi de finances (PLF) 2017, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Jean-Pierre Bosser, s’est dit particulièrement vigilant à l’évolution du moral des troupes qu’il commande.

Si ce dernier est « plutôt bon » grâce, selon lui, à la « dynamique positive dans laquelle se trouve l’armée de Terre en matière d’effectifs et d’équipements », il n’en reste pas moins qu’il est soumis à « deux vents contraires », qui sont la « sur-absence de la garnison » et les ratés du Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois), lequel continue « de poser des problèmes chaque fin de mois, pour 15 % des soldes ».

Pour le général Bosser, le militaire est « culturellement peu enclin à se plaindre ». Aussi, c’est au niveau de la « base arrière », c’est à dire des familles, qu’il faut, selon lui, « prêter une oreille attentive. »

« L’absence de la maison et la solde en fin de mois touchent principalement la ‘base arrière’. Or il se peut que cette ‘base arrière’ ait moins de retenue que nos soldats », a ainsi prévenu le CEMAT. D’autant plus que, désormais, il faut prendre en compte les réseaux sociaux, ce qui n’a pas encore été fait suffisamment d’après lui. « Il y a quinze jours ou trois semaines, le ‘buzz’ s’est créé autour de la solde au 93e RAM, des épouses s’étant plaintes sur Facebook que leurs maris n’avaient pas été payés », a-t-il relevé.

Aussi, le général Bosser entend revoir les paramètres utilisés actuellement pour évaluer le moral au sein des troupes.

« Traditionnellement, dans l’armée de terre, on apprécie le moral au plan catégoriel : les militaires du rang, les sous-officiers et les officiers. Or les actions sur le territoire national nous incitent à voir les choses différemment. Le moral ne se décline plus en grades, mais selon la situation de l’intéressé : s’il est chargé de famille, s’il a des enfants, l’absence lui pèse ; s’il est célibataire, qu’il soit officier, sous-officier ou homme du rang, l’absence ne lui pèse pas », a expliqué le général Bosser aux députés.

« Je suis en train de mettre en place une réflexion visant à modifier les capteurs d’évaluation du moral, et permettant de voir comment, en temps réel, nous pourrions mieux anticiper et faire face à une baisse brutale de moral. Franchement, ce n’est pas en évaluant le moral avec des questionnaires standardisés que nous disposerons d’une bonne vision », a fait valoir le CEMAT, qui a dit vouloir intégrer dans ces paramètres la « mobilité » et le « travail du conjoint », qui sont devenus « fondamentaux ».

S’agissant plus particulièrement des contraintes qui pèsent sur les soldats, avec notamment l’opération Sentinelle et les engagements extérieurs, le général Bosser a indiqué qu’en 2016, 50% de la Force opérationnelle terrestre (FOT) aura « passé plus de 150 jours de mission hors garnison, certains allant même jusqu’à 220 jours ». Aussi, ce « n’est pas anodin », a-t-il souligné.

« Il n’est pas non plus indolore qu’au moment où je pensais lever la garde à l’issue de l’Euro et du 14 juillet, j’ai dû, en raison des attentats de Nice, rappeler 2 000 hommes de permission – des soldats qui avaient programmé leurs congés estivaux et qui sont rentrés en moins de 24 heures », a ajouté le CEMAT.

Actuellement, sur le plan financier, cette « sur-absence est globalement bien prise en compte » étant donné que, a rappelé le général Bosser, « les mesures de condition du personnel liées à la suractivité sont financées sur le PLF 2017 – dont 35 millions d’euros pour l’indemnisation d’absence cumulée. »

Seulement, a prévenu le CEMAT à l’adresse des députés, « il faut que vous le sachiez parce que vous allez les rencontrer, nos militaires attendent le versement de ces primes. »

Et d’expliquer : « En effet, il reste un obstacle majeur sur le chemin entre la décision et la mise en œuvre », en particulier à cause des dysfonctionnements de Louvois, qui reste « extrêmement instable. » « Qu’en sera-t-il de la mise en œuvre des nouvelles primes ? Cela risque d’être très compliqué », a estimé le général Bosser.

« On peut donc s’attendre à un délai important entre la prise de décision politique, la prise de décision ‘militaire’ sur la mise en œuvre, et la capacité de l’outil à verser ces primes », a indiqué le CEMAT.

« Il est exact qu’aujourd’hui, à part les deux jours d’ITAOPC [Indemnités pour temps d’activité et d’obligations professionnelles complémentaires, ndlr], aucun militaire n’a bénéficié des primes annoncées soit par moi-même, soit par le ministre. On diffère le versement de ces primes, mais au bout d’un an, d’un an et demi, nous risquons de devoir faire face à un problème de crédibilité », a mis en garde le général Bosser.

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