Les capacités d’intervention des forces françaises s’érodent

leclerc-20160426

Chaque année, le projet de loi de finances initiale (PLFI) est accompagné de plusieurs documents budgétaires mis en annexe, dont le volumineux « Projet annuel de performances » (PAP), qui définit la stratégie et les objectifs de chaque mission de l’État et compile une série d’indicateurs dits de « performances » établis via un mode de calcul souvent compliqué.

Pour ce qui concerne la mission « Défense » [.pdf], les forces armées doivent tenir plusieurs objectifs, comme assurer « la fonction stratégique connaissance-anticipation, « la fonction stratégique de prévention », « la fonction stratégique de protection, « la fonction stratégique d’intervention » et « la préparation des forces dans les délais impartis pour permettre la montée en puissance maximale des capacités militaires prévues par le Livre blanc » sur la Défense et la sécurité nationale (LBDSN).

Si le PAP 2017 ne fait aucune remarque particulière sur les capacités des forces armées à remplir leurs objectifs dans les domaines de la connaissance-anticipation (renseignement), de la prévention des crises ou encore de la protection du territoire nationale, il ne va en revanche pas de même pour celles concernant l’intervention « dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France. »

Ainsi, l’indicateur mesurant « l’aptitude d’une capacité opérationnelle (c’est-à-dire d’une puissance militaire cohérente en personnel qualifié et entraîné, en équipements suffisants, disposant d’une doctrine, d’une organisation, des approvisionnements et soutiens nécessaires) à être mise sur pied dans le délai requis par l’hypothèse d’emploi maximum des forces » met en avant quelques fragilités.

pap2017-20161012

Pour l’armée de Terre, le PAP estime que sa capacité à répondre à « l’hypothèse d’engagement intervention (HE-INTER) peut être tenue moyennant une adaptation du dispositif de gestion de crise, des arbitrages sur certaines capacités (C2, logistique) et un accroissement du délai de montée en puissance des 15.000 hommes prévus par le LBDSN (9 à 12 mois au lieu de 6). » En outre, pour ne rien arranger, l’échelon national d’urgence (ENU), qui doit compter 5.000 hommes, n’est armé qu’à hauteur de 20% seulement.

Cette situation devrait toutefois s’arranger (en partie) avec la hausse des effectifs de la Force opérationnelle terrestre (FOT), ces derniers devant passer de 66.000 à 77.000 soldats. Alors, « l’armée de Terre sera en mesure de répondre à l’hypothèse d’engagement intervention dans les délais impartis, hormis pour certaines capacités critiques », peut-on lire dans le PAP 2017, qui prévoit un « retour à la normale » en 2018, à la condition qu’il n’y ait pas de dégradation du contexte sécuritaire sur le territoire national (en clair, il ne faudrait pas que les effectifs de l’opération Sentinelle soient maintenus à 10.000 hommes, le contrat opérationnel étant de 7.000).

Par ailleurs, s’agissant de l’indicateur mesurant la « capacité à réaliser les contrats opérationnels permettant de gérer les crises », le document ne fait pas mystère de « quelques difficultés », en soulinant que l’armée de Terre fait face à « un sur-engagement de capacités notamment en structures de commandement, en hélicoptères et en moyens logistiques » ainsi qu’à de fortes contraintes liées à la nature des théâtres (élongations, climat, etc…) où elle intervient.

Pour la Marine nationale, sa capacité d’intervention « dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France » est évaluée à 70% en 2016… mais à 60% pour 2017. Elle « est tributaire des stocks de munitions et sera réduite en 2017 du fait de l’indisponibilité du porte-avions Charles de Gaulle qui sera en arrêt technique majeur n°2 », explique le PAP…

« La faiblesse des stocks de munitions et le taux de disponibilité des frégates de premier rang constituent les principales limitations de la capacité de la marine à soutenir un engagement majeur », peut-on lire dans un autre document mis en annexe au PLFI, intitulé « Les données de la performance 2016 » [.pdf]

Toutefois, la Royale présente quelques fragilités pour ce qui concerne la fonction stratégique de protection, l’indicateur, même s’il est en hausse, étant encore inférieur aux prévisions. « La tenue de la fonction ‘protection’ reste conditionnée par la disponibilité des avions de patrouille maritime et des patrouilleurs en métropole » et reste « dépendante des bâtiments de souveraineté outre-mer qui subissent une rupture temporaire de capacité » dans l’attente du lancement du programme BATSIMAR (bâtiments de surveillance et d’intervention maritime).

Même constat pour la capacité de la Marine nationale « à réaliser les contrats opérationnels permettant de gérer les crises ». Là, encore, l’indicateur servant à la mesurer est inférieur aux prévisions, en raison de « de la disponibilité dégradée des avions de patrouille maritime, des moyens de guerre des mines et des bâtiments de commandement et de ravitaillement. »

Selon le PAP 2017, cette situation devrait durer à cause de « tensions sur l’emploi des moyens mutualisés », notamment pour les avions de patrouille maritime, les sous-marins et les frégates.

Quant aux capacités d’intervention de l’armée de l’Air, elles se sont maintenues en 2016… Mais elles devraient être réduites en 2017 car l’intensification et la durée de l’opération Chammal et les efforts déployés en Afrique ainsi que pour la posture permanente de sûreté (PPS) sur le territoire national « rendent difficile, d’une part, de maintenir les stocks de munitions dans l’attente des livraisons à compter de fin 2017, des commandes réalisées en 2016 et, d’autre part, de garantir la régénération organique (préparation opérationnelle des équipages) et technique (remontée de disponibilité Chasse et Ravitaillement en vol notamment) aux niveaux nécessaires à l’engagement majeur », relève le PAP 2017.

Par ailleurs, dans « Les données de la performance 2016 », déjà cité, l’on peut lire que la capacité du Service des essences des Armées (SEA) à assurer « simultanément le soutien pétrolier d’une force projetée dans le cadre d’un engagement majeur et le soutien pétrolier des bases aériennes et des ports en métropole » est limitée en raison de tensions sur ses effectifs et de difficultés à « régénérer une partie des équipements déployés dans les opérations actuelles. »

 

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]