Caracal/Pologne : La grosse colère du patron d’Airbus contre le gouvernement polonais

caracal-nuit-20160607

Quand, à l’automne 2015, le parti « Droit et Justice » (PiS) remporta les élections législatives polonaises, l’on pouvait craindre une remise en cause la décision prise par le gouvernement précédent de centre-droit d’acquérir 50 hélicoptères H225M Caracal auprès d’Airbus Helicopters, étant donné qu’il s’y était jusqu’alors fermement opposé.

En effet, et malgré les évaluations favorables du Caracal faites par l’armée polonaise, les dirigeants du PiS ne cachèrent pas leur préférence en faveur des concurrents d’Airbus Helicopters, à savoir Sikorsky et AugustaWestland, lesquels produisent respectivement en Pologne les hélicoptères S-70 Blackhawk et AW-149. La suite des événements justifia les craintes, le nouveau ministre polonais de la Défense, Antoni Macierewicz, cultiva une certaine ambiguïté dans ce dossier.

Quoi qu’il en soit, début septembre, les dirigeants d’Airbus Helicopters se montrèrent optimiste quant à l’issue des négociations en cours avec le gouvernement polonais. Ce qui laissait à penser que ce dernier leur avait adressé des signaux positifs…

Et puis, via un communiqué du ministère polonais du Développement publié le 4 octobre, ce fut la douche froide : Varsovie annonçait la fin des discussions avec Airbus Helicopters, estimant que « l’interlocuteur n’a(vait) pas présenté de proposition offset répondant à l’intérêt économique et la sécurité de l’État polonais ».

Plus tard, M. Macierewicz donna quelques explications. « Mon objectif était de m’assurer de ce que les conditions de ces compensations soient les meilleures pour la partie polonaise. Par conséquent, j’ai pris connaissance avec regret de la position d’Airbus Helicopters qui (…) n’a pas satisfait les propositions polonaise, liées à l’offset », fit-il valoir lors d’une conférence de presse.

Et d’ajouter : « La partie française avait une autre estimation de ses obligations. Du point de vue des intérêts et des besoins polonais, c’étaient des chiffres qui sous-estimaient la valeur de l’offset compte tenu de nos propositions, de nos attentes et de nos besoins. (…) Malheureusement, les deux parties avaient des points de vue différents sur ce paquet » [d’offset, ndlr].

Et c’est ainsi que, le 10 octobre, M. Macierewicz a indiqué que son gouvernement allait commander – sans plus de précisions – des hélicoptères S-70 Black Hawk pour équiper les forces spéciales polonaises.

Pour avoir plus de détails, il fallait attendre le lendemain et son déplacement – comble de l’ironie – à l’usine de Lodz, qui devait assembler les Caracal polonais ainsi qu’un certain nombre d’exemplaires destinés à l’exportation. Là, M. Macierewicz a en effet précisé qu’il était question d’aquérir 21 S-70 Black, tous assemblés à Mielec et livrés à partir de 2017.

De quoi faire exploser de colère Tom Enders, le Pdg d’Airbus, maison-mère d’Airbus Helicopters. « Nous n’avons jamais été traités comme ça par un gouvernement client comme nous l’avons été par ce gouvernement [du PiS] », a-t-il dénoncé, avant de faire part de son impression « d’avoir été mené en bateau pendant des mois par l’actuel gouvernement polonais. »

« Airbus voulait vraiment investir en Pologne et nous voulions contribuer à la création d’une industrie aérospatiale compétitive dans ce pays. Mais le gouvernement polonais nous a claqué la porte au nez. Nous en prenons bonne note », a encore souligné M. Enders, après avoir évoqué une « demande de réparation ».

« Les déclarations controversées et contradictoires du gouvernement polonais au cours du processus d’appel d’offres a créé le sentiment d’une confusion sans précéden », a fait valoir le patron d’Airbus. « Cette confusion a été accrue par les dernières déclarations du gouvernement polonais concernant l’acquisition d’hélicoptères de la part de groupes qui avaient décidé de présenter des offres non-conformes à l’appel d’offres et avaient été disqualifiés », a-t-il insisté, en faisant notamment référence à Sikorky, filiale de Lockheed-Martin.

Peu avant, le Pdg d’Airbus Helicopters, Guillaume Faury, avait adopté un ton plus diplomatique en adressant une lettre ouverte à Beata Szydlo, le Premier ministre polonais, afin de réfuter les « allégations rapportées par les médias » au sujet des négociations sur les Caracal.

Ainsi, par exemple, M. Faury a fait valoir qu’Airbus Helicopters avait accepté l’exigence de Varsovie visant à inclure dans le montant des compensations industrielles la TVA de 23% alors que la valeur du contrat pour les 50 Caracal était de 2,53 milliards d’euros (soit la dépense réelle pour le contribuable polonais et la recette d’Airbus). Or, d’habitude, la TVA n’étant jamais prise en compte dans le calcul des offsets, cela aurait porté l’investissement de l’industriel en Pologne à 3,14 milliards d’euros.

En outre, Airbus Helicopters souligne également que son intention était de créer la première usine d’hélicoptères qui aurait appartenu, à hauteur de 90%, à l’État polonais, sur la base de l’entreprise WZL1 et que le contrat Caracal aurait permis de créer 3.800 emplois en Pologne, dont 1.250 à Lodz, Radom et Deblin.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]