Bagdad saisit le Conseil de sécurité pour évoquer la présence militaire turque dans le nord de l’Irak

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Le 1er octobre, le Parlement turc a adopté une motion visant à prolonger d’un an de plus les opérations menées par la Turquie dans en Syrie [Bouclier de l’Euphrate, ndlr] ainsi que dans le nord de l’Irak, où cette dernière a déployé des troupes sur la base de Bashiqa afin de former les combattants kurdes irakiens [Peshmergas, ndlr], lesquels sont en première ligne face aux jihadistes de l’État islamique (EI ou Daesh).

En effet, si les autorités turques s’opposent au PKK et au PYD, deux organisations kurdes présentes respectivement en Turquie et en Syrie, elles entretiennent de très bonnes relations avec le gouvernement régional du Kurdistan irakien, ce qui n’est pas vu d’un très bon oeil à Bagdad, en raison notamment de différends liés au pétrole.

En décembre 2015, le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, avait exigé le retrait des forces turques de la base de Bashiqa, estimant que leur présence constituait une « sérieuse violation de la souveraineté irakienne ». Ce n’était d’ailleurs pas la seule de la part d’Ankara, étant donné que les avions turcs avaient déjà régulièrement bombardé des positions du PKK situées dans le nord de l’Irak.

Puis peu après les protestations de Bagdad, les forces turques furent partiellement retirées de Bashiqa pour aller s’établir « plus loin dans le nord », sans plus de précision.

Et les choses en restèrent là jusqu’au vote du Parlement turc. L’homologue irakien de ce dernier a vivement réagi en appelant le gouvernement à prendre des mesures de rétorsion contre la Turquie et en qualifiant, au passage, les troupes turques présentes à Bashiqa de « forces d’occupation ».

« Où était le gouvernement irakien quand Daesh a capturé Mossoul », a répondu Numan Kurtulmus, vice-Premier ministre turc, visiblement furieux que les troupes turques aient été comparées à des forces « d’occupation.

Quoi qu’il en soit, à Ankara, on fait valoir que cette présence militaire turque en Irak vise à entraîner des « volontaires irakiens sunnites » en vue de l’opération qui sera prochainement lancée pour reprendre la ville de Mossoul à l’EI.

Et pour cause : pour le président turc, Tayyep Recip Erdogan, l’offensive, qui encore en cours de préparation, devrait « être menée uniquement par ceux qui ont des liens ethniques et religieux avec la ville, et non pas par les milices chiites ou rebelles kurdes du YPG. » En outre, Ankara craint un afflux de réfugiés sur son sol si les opérations ne sont pas conduites par des combattants sunnites.

Mais les autorités irakiennes soupçonnent sans doute la Turquie d’avoir d’autres desseins. En effet, Mossoul était une ville ottomane jusqu’en 1918, année où les forces turques furent contraintes de s’y effacer devant les Britanniques.

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Mais le statut de la ville fut âprement discuté par les voies diplomatiques, d’autant plus que, en 1920, les autorités ottomanes firent adopter un texte appelé « Misak-i Milli » dans lequel l’appartenance de Mossoul à l’Empire ottoman était réaffirmée. Ce différend fut tranché par la Société des Nations (SDN), laquelle ne donna pas suite aux exigences de la jeune République de Turquie (instaurée en 1923), qui se rapprocha alors vers la Russie soviétique…

Cela étant, le Premier ministre irakien a laissé entendre, le 5 octobre, que cette présence militaire turque – estimée par Bagdad à 2.000 soldats – dans le nord de son pays laissait craindre un risque de « guerre régionale ». Et il a demandé que le Conseil de sécurité des Nations unies soit saisi de cette question à l’occasion d’une réunion extraordinaire.

En tout cas, il sera compliqué de faire céder la Turquie, dont le Premier ministre, Binali Yildirim, a jugé « incompréhensibles » les protestations de Bagdad étant donné que, a-t-il fait valoir, les trouoes turques sont à Bashiqa à la demande de Massoud Barzani, président de la région autonome du Kurdistan irakien. « Les soldats turcs resteront sur place pour garantir la stabilité des équilibres démographiques dans la région », a-t-il même assuré.

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