La France demande une enquête sur l’utilisation présumée d’armes chimiques au Darfour

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Depuis 2003, un conflit opposant l’Armée de libération du Soudan (ALS, qui veut un État libéral et laïc) et les forces gouvernementales soudanaises, appuyées par les milices arabes Janjawid, dévaste le Darfour, une région extrêmement pauvre du Sahel, située dans l’ouest du Soudan et dont le sous-sol recèle des réserves pétrolières qui attise les convoitises et justifie, d’ailleurs, le soutien de Pékin à Karthoum.

En juillet 2008, il était estimé que 300.000 personnes, au moins, avaient été tuées lors de cette guerre civile – et dans une relative indifférence. Ce qui valut au président soudanais, Omar el-Béchir, d’être poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. »

Seulement, malgré le mandat d’arrêt international émis contre lui par la CPI, le président el-Béchir n’a jamais été arrêté lors de ses déplacements à l’étranger, comme en Chine, en 2011, ou encore, plus récemment, en Afrique du Sud. Et les exactions se poursuivent au Darfour, toujours dans l’indifférence générale… et malgré la présence d’une force conjointe des Nations unies et de l’Union africaine (MINUAD).

« Terre brûlée, viols de masse, homicides et bombes – ces crimes de guerre commis au Darfour sont les mêmes qu’en 2004, lorsque le monde a pris connaissance de ce qui se passait sur place. Cette région se trouve prise au piège d’un terrible engrenage de la violence depuis plus de 13 ans, rien n’a changé sauf le fait que le monde a cessé de s’y intéresser », écrit ainsi Amnesty International, dans un rapport que l’ONG vient de rendre public et dans lequel elle accuse Khartoum d’avoir utilisé des armes chimiques contre des villageois [.pdf].

Ainsi, entre début janvier et septembre, 29 villages ont été la cible d’attaques chimiques, lesquelles auraient fait entre 200 et 250 tués. L’ONG appuie ses accusations sur 200 entretiens ainsi que sur l’analyse de photographies et de vidéos par des experts. Deux d’entre-eux sont arrivés à la conclusion que les forces gouvernementales soudanaises avaient utilisé des produits vésicants (gaz moutarne et CX), qui provoquent de graves irritations des voies respiratoires et de la peau.

Des centaines de blessés ont en effet présentés des symptômes qui correspondent à une exposition à ce type d’agent chimique (cloques sur la peau, lésions pulmonaires, etc).

Cette attaques chimiques ont été réalisés lors d’une vaste opération lancée par Khartoum visant à déloger les rebelles de l’Armée de libération du Soudan/Abdul Wahid du djebel Marra. Et visiblement, cette offensive est d’ampleur car l’on compte plus de 170 villages attaqués au cours de ces 9 derniers mois

« Le recours aux armes chimiques est un crime de guerre. Les éléments que nous avons recueillis sont crédibles et trahissent un régime déterminé à diriger ses attaques contre la population civile du Darfour sans aucune crainte de sanction de la part de la communauté internationale », a fait valoir Tirana Hassan, responsable du programme de recherche sur les crises chez Amnesty International.

Le représentant du Soudan aux Nations unies, Omer Dahab Fadl Mohamed, a réagi à ces accusations en qualifiant le rapport d’Amnesty International de « totalement infondé » et en affirmant que son pays « ne possédait aucune arme chimique ». Et d’ajouter : « L’objectif ultime d’une telle accusation est de semer la confusion dans les processus en cours visant à renforcer la paix, la stabilité, le développement économique et la cohésion sociale au Soudan. » Ce qui est un peu court.

Certes, en 1999, le Soudan s’est engagé à ne jamais utiliser de gaz de combat en signant la Convention sur les armes chimiques. Seulement, en 2004, s’appuyant sur des rapports de services de renseignement occidentaux, le quotidien allemand Die Welt a assuré que des armes chimiques avaient été testées au Darfour, suite à une rencontre, à Khartoum, entre des militaires syriens et soudanais.

« La délégation syrienne a suggéré au Soudan une coopération plus étroite dans le domaine des armes chimiques (…) et il a été proposé de tester les effets d’armes chimiques sur les rebelles de l’Armée de libération du peuple soudanais (SPLA) », avait écrit à l’époque, le journal allemand. Au passage, on peut aussi noter que l’armée syrienne semble s’être inspirée de bombes barils que son homologue soudanaise utilise depuis les années 2000…

Quoi qu’il en soit, la France a réclamé, le 30 septembre, l’ouverture d’une enquête internationale sur cet usage présumé d’armes chimiques par les forces gouvernementales soudanaises.

« Ce rapport porte des accusations très graves que nous ne pouvons ni confirmer ni infirmer à ce stade », a déclaré Romain Nadal, le porte-parole du Quai d’Orsay. « Nous pensons que la communauté internationale doit regarder de près et enquêter pour vérifier si ces informations sont réelles ou pas », a-t-il ajouté, avant de préciser que les investigations pourraient être conduites par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OPWC) ainsi qu’à la MINUAD.

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