Il y a 100 ans, le char d’assaut faisait sa première apparition sur un champ de bataille

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Avant la Première Guerre Mondiale, le général Foch avait eu ce mot malheureux : « L’aviation, c’est du sport. Pour l’armée, c’est zéro! ». Plus tard, outre-Manche, Lord Horatio Kitchener, alors secrétaire d’État à la Guerre, ne s’était guère montré plus inspiré en qualifiant de « pretty mechanical toy! » (joli jouet mécanique), le projet de char d’assaut qui venait de lui être présenté. Or, l’avion et le char changeront de façon radicale la façon de mener la bataille.

char-20160918Depuis l’Antiquité, les militaires ont cherché à progresser sur le champ de bataille en se mettant à l’abri des projectiles ennemis. C’est ainsi que les Assyriens inventèrent un « char » pouvant transporter 4 hommes, dont le conducteur des chevaux, un archer et deux hommes portant chacun un bouclier pour protéger l’ensemble. Le même principe guida l’apparition des armures des chevaliers du Moyen-Âge.

Puis apparut l’artillerie. À la Renaissance, Léonard de Vinci imagina ce qui allait préfigurer les chars modernes en dressant les plans d’un véhicule doté d’un canon et propulsé par la force humaine. On en resta peu ou prou là jusqu’au début du XXe siècle, même s’il est rapporté qu’un tracteur à vapeur monté sur deux chenilles fut utilisé pendant la guerre de Crimée, en 1854.

En effet, l’invention du moteur à explosion va changer radicalement la donne. En 1903, le capitaine Levavasseur, un polytechnicien servant au 6e Bataillon d’Artillerie, imagine un « canon autopropulseur » de 75 mm, monté sur des « roues articulées » (ancêtres des chenilles) et propulsé par un moteur de 80 chevaux. Mais, à deux reprises, estimant que la propulsion hippomobile était plus fiable, le Comité général d’Artillerie rejeta ce projet.

Dans le même temps, le romancier britannique Herbert George Wells (l’auteur de « La guerre des mondes ») décrit, dans une nouvelle, le « cuirassé de terre », qu’il imagine comme étant une version terrestre des imposants navires cuirassés de la marine britannique. Mais comme il s’agissait de science fiction, cette idée ne fut pas prise au sérieux…

Il faudra attendre 1912 pour voir apparaître les deux autres projets de char d’assaut. Celui de l’Autrichien Günter Burstyn (le Burstyn-Motorgeschütz) sera refusé par l’état-major austro-hongrois, de même que celui de l’Australien Lancelot Eldin de Mole, qui avait imaginé un engin blindé monté sur des chenilles pour transporter des soldats à travers les barbelés et les tirs de mitrailleuses, fut dédaigné par le War Office britannique.

Seulement, les combats de la Première Guerre Mondiale vont, peu à peu, faire évoluer les esprits. Outre-Manche, l’idée de construire un char d’assaut est alors portée par le colonel Sir Ernest Dunlop Swinton, convaincu qu’un véhicule armé, blindé et chenillé était indispensable pour mener la guerre des tranchées.

Pour autant, la défiance à l’égard de la mécanique est encore vivace. D’où l’opposition de Lord Kitchener au projet proposé par le colonel Swinton. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il trouvera un soutien déterminant auprès de Sir Winston Churchill, alors Premier Lord de l’Amirauté. C’est donc avec l’appui de la marine britannique que le char Mark I va naître, d’abord sous l’appellation « Water Carrier » (pour tromper l’espionnage allemand), puis sous celle de « Tank ».

Une maquette en bois est présentée le 15 septembre 1915. Elle sera suivie par un premier prototype, appelé « Mother ». Ce dernier fera une démonstration réussie devant le roi George V, le 2 février 1916. Puis, il sera décidé d’en commander 100 exemplaires pour commencer.

Le « tank » Mark I se décline alors en deux versions : « Male » et « Female ». La première est équipée de 2 canons et de 3 mitrailleuses Hotchkiss de 7,62 mm tandis que la seconde est seulement armée de mitrailleuses.

D’une longueur de 9m75 pour une largeur de 4m12 (ou 4m30 pour la version Female) pour près de 29 tonnes, ce char est mis en oeuvre par un équipage de 8 hommes (1 commandant, 1 conducteur, 2 tireurs et 2 soldats pour contrôler l’engrenage de chacune des chenilles) et développe une puissance de 106 chevaux grâce à son moteur de 6 cylindres en ligne fourni par Daimler. Sa vitesse est cependant faible (à peine 6 km/h) et son autonomie est de seulement 38 km.

Puis, il est décidé d’engager cette nouvelle arme au combat. Ce sera le 15 septembre 1916, au nord du village de Longueval, en pleine bataille de la Somme. Mais le nombre de chars qui participeront à cette première sera moindre que prévu : certains ont effet des problèmes mécaniques avant même d’avancer vers leur objectif, qui est la localité de Courcelette.

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Quoi qu’il en soit, l’apparition de ces monstres d’acier sur le champ de bataille sème la panique dans les rangs allemands. Mais ces derniers vont vite se reprendre. Et plusieurs Mark I seront victimes des tirs d’artillerie ennemis tandis que d’autres tomberont en passe ou s’enliseront. Finalement, les « tanks » britanniques échoueront à ouvrir la brèche qui aurait dû permettre à la cavalerie et à l’infanterie de percer les lignes adverses.

« Mes pauvres Land Ships ont été lâchés prématurément et à une échelle trop médiocre, il y avait pourtant une vraie victoire derrière cette idée », déplore alors Sir Winston Churchill. Et il est vrai que ce premier engagement de chars blindés a révélé des potentialités intéressantes, à condition d’optimiser leur emploi. Pour autant, suite à l’échec relatif de cette journée du 15 septembre, l’état-major britannique semble perdre confiance à l’égard de ses « tanks ».

En revanche, en France, ce concept gagne des soutiens, notamment en la personne du général Jean-Baptiste Eugène Estienne. Plusieurs projets de chars sont en effet en cours, dont le Schneider CA1 testé en février 1916, le Saint-Chamond et le FT-17 de Renault, qui se révelera le véhicule blindé et chenillé le plus efficace de la Grande Guerre. Toutefois, la même erreur que les Britanniques sera commise le 17 avril 1917, les chars français, pour leur première apparition, ayant été engagés prématurément par le général Nivelle.

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