L’opération intérieure « Vigilant Guardian » met la défense belge sur les rotules

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À l’instar de son homologue français, le gouvernement belge a lancé, le 17 janvier 2015, suite au démantèlement de la cellule jihadiste de Verviers, une opération intérieure qui, appelée « Vigilant Guardian », vise à surveiller et à protéger les lieux dits sensibles, c’est à dire pouvant être la cible d’une attaque terroriste.

Étant donné le nombre de militaires français mobilisés pour l’opération Sentinelle (10.000 personnels), Paris a décidé de ralentir puis d’annuler les déflations d’effectifs qui étaient prévues par la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, de porter le format de la Force opérationelle terrestre (FOT) de 66.000 à 77.000 hommes, et de revoir à hausse le budget de la Défense.

Seulement, le gouvernement belge n’a pas pris de telles décisions. Au contraire même : les coupes budgétaires n’ont pas été annulées, le ministère de la Défense devant trouver 1,5 milliard d’économies d’ici 2019, avant de bénéficier, par la suite, de plus de 9 milliards de crédits supplémentaires dans le cadre du plan « Vision stratégique 2030 ». Toutefois, le document ne parle pas de revoir à la hausse les effectifs militaires du pays…

Pourtant, l’opération Vigilant Guardian a toujours été reconduite depuis son lancement. Et cela d’autant plus que, comme la France, la Belgique a été frappée par l’État islamique (EI ou Daesh) en mars, à Bruxelles (32 morts). Au début du mois, elle a été prolongée d’un mois supplémentaire et rien ne dit qu’il en sera autrement en octobre…

Actuellement, cette opération intérieure (OPINT) mobilise 1.828 soldats, principalement issus des troupes de combat de la composante terrestre de la Défense belge.

Et, à en croire les syndicats militaires, la grogne monte dans les rangs. Tout simplement parce que Vigilant Guardian est lourd fardeau pour les personnels engagés.

En théorie, la composante terrestre belge compte 12.671 soldats mais, en réalité, ils ne sont que 10.492, dont 30 à 40% peuvent être mobilisés pour Vigilant Guardian. Ce qui fait que les unités de combat sont très (trop) sollicitées, avec tout ce que cela suppose comme conséquences sur la vie familiale des militaires concernés.

« Cela devient de plus en plus difficile pour les familles car les périodes d’astreinte ne sont parfois annoncées qu’avec un bref préavis », a expliqué Walter Van den Broeck, le secrétaire du syndicat ACV, à l’agence de presse Belga. Qui plus est, les militaires engagées dans cette OPINT effectuent entre 60 et 80 heures de travail par semaine (contre 38 heures prévues contractuellement)… Et ces heures supplémentaires ne sont que partiellement payées.

Nouveau chef d’état-major de la Défense belge (CHOD), le général Marc Compernol a dit, la semaine passée, ne pas être d’accord avec les affirmations des syndicats au sujet du « ras-le-bol » des militaires. « Je suis convaincu que ce n’est pas le cas parce qu’ils se rendent compte que, pour le moment, il n’y a pas d’autres alternatives », a-t-il déclaré. Car, a-t-il ajouté, dans un entretien accordé à la Libre Belgique, le 9 septembre, « si le gouvernement nous demande de faire ce genre de missions, on le fait! Et je crois que la situation sécuritaire le justifie. »

Cela étant, le général Compernol plaide aussi pour une réduction du nombre de militaires engagés dans l’opération Vigilant Guardian. « Je pense que tout le monde en est convaincu, y compris le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon. La difficulté, c’est qu’il faut un élément déclencheur nous indiquant que le monde est plus sûr », a-t-il estimé.

Visiblement, le CHOD n’est pas l’air convaincu de la pertinence de cette OPINT. « La sécurité de la Belgique commence en Afrique subsaharienne, en Irak et en Syrie, en Afghanistan, sur le flanc est. C’est là que nous devons être présents, pas dans les rues à Anvers et Bruxelles », a-t-il dit.

En outre, Vigilant Guardian pèse lourdement sur l’entraînement dee des unités de combat belges. Et le souci du général Compernol est jsutement de « maintenir » leur « capacité opérationnelle ».

« Mais vu la disponibilité de nos gens, on se limite à l’entraînement de base pour la mission qu’ils doivent assumer. Du coup, on perd déjà des compétences », a-t-il assuré.

Enfin, le général Compernol a souligné un autre risque : celui de créer une « génération perdue (…) de lieutenants et de sergents qui n’ont rien fait d’autre que cette mission [intérieure], qui ne sollicitent qu’une petite partie des compétences à acquérir. » Or, selon lui, c’est « inquiétant » car « ils sont en train de rater une phase d’apprentissage qu’il va falloir rattraper. »

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