Le président philippin ne veut plus de conseillers militaires américains pour lutter contre les jihadistes d’Abu Sayyaf

Jusqu’à présent, les Philippines comptaient sur les États-Unis pour avoir un soutien dans leurs disputes territoriales avec Pékin en mer de Chine méridionale Second Thomas Shoal, récif de Scarborough, etc…) ainsi que pour former et conseiller leurs forces armées face, notamment, au groupe jihadiste Abu Sayyaf, autrefois allié à al-Qaïda et désormais affilié à l’État islamique (EI).

Cet appui était considéré comme nécessaire dans la mesure où Manille, en dépit d’annonces volontaristes, ne dispose pas de moyens militaires suffisant pour assurer sa sécurité. En 2014, les Philippines et les États-Unis renforcèrent leur coopération dans ce domaine en révisant les clauses d’un traité de défense conclu en 1951.

Plus tôt cette année, les Philippines ont conclu d’autres accords militaires, dont un avec le Japon, en mars, et un autre avec la France. Dans le même temps, en avril, 275 militaires américains, avec des moyens aériens, dont des avions d’attaque A-10 Thunderbolt II, ont été déployés sur la base de Clark, afin de répondre à une sollicitation de Manille au sujet des manoeuvres chinoises en mer de Chine méridionale. D’ailleurs, l’US Navy et la marine des philippines ont effectué des patrouilles conjointes dans la région au printemps.

Toujours dans le cadre de cette aide militaire américaine, Manille a annoncé, le 7 septembre, la livraison prochaine de deux avions de transport C-23 Sherpa, alors que le président philippin, Rodrigo Duterte, entré en fonction en juin, venait de traiter publiquement le chef de la Maison Blanche de « fils » de péripatéticienne [ici, on reste correct, ndlr], comme il l’avait déjà fait, plus tôt, avec le Pape François. Ce qui, comme on peut l’imaginer, a jeté un certain froid.

Populiste assumé qui croit pouvoir régler des problèmes avec des solutions simplistes, Rodrigo Duterte avait dit, lorsqu’il était en campagne : « Oubliez les droits de l’Homme. Si je deviens président, ça va saigner ». Le fait est : pour lutter contre le trafic de drogue, il a simplement donné un permis de tuer les trafiquants et les toxicomanes. En trois mois, et en dehors de tout cadre judiciaire, 2.400 personnes ont ainsi perdu la vie. Et de nombreux morts parmi ce décompte n’étaient pas des criminels…

Par ailleurs, M. Duterte a adopté une autre approche avec les groupes rebelles armés philippins, comme le Front Moro islamique de libération (MILF), lequel revendique l’indépendance des régions méridionales de l’archipel peuplées majoritairement de musulmans. C’est ainsi que, en août, il a proposé à ce dernier des pourparlers. Mais il est allé encore plus loin en évoquant de possibles discussions avec Abu Sayyaf, implanté à Mindanao. Mais une question se pose : comment négocier avec des gens qui ne le veulent pas?

En attendant, M. Duterte a ordonné aux 200 conseillers militaires déployés à Mindanao depuis 2002 auprès des forces philippines pour lutter contre Abu Sayyaf de faire leur paquetage. Et cela, au motif que l’alignement de Manille sur l’Occident est « la cause de l’insurrection musulmane persistante dans le sud ». Et le président philippin d’insister : « Les (musulmans) deviendront encore plus agités. S’ils voient un Américain, ils le tueront. »

Toutefois, Perfecto Yasay, le ministre philippin des Affaires étrangères, soucieux, sans doute, d’éviter un nouvel accroc aux relations avec Washington, a expliqué que M. Dutertre avait surtout le souci de la sécurité des conseillers militaires américains qui « risquaient de prendre des risques non nécessaires » en restant à Mindanao.

Cela étant, le Pentagone a indiqué n’avoir reçu aucune demande officielle de la part de Manille au sujet du retrait des 200 conseillers militaires américains. « Nous continuerons à avoir des consultations avec nos partenaires philippins pour adapter de manière appropriée notre assistance à l’approche adoptée » par les autorités de Manille « quelle qu’elle soit », a commenté Gary Ross, un porte-parole.

Reste à voir jusqu’où Washington tolèrera les rebuffades de M. Duterte, ce dernier croyant sans doute qu’il joue sur du velours étant donné l’importance de la mer de Chine méridionale pour le commerce maritime mondial.

Car, en même temps qu’il insulte son homologue américain ou qu’il fait mine de vouloir discuter avec les suppôts de l’EI dans la région, Rodrigo Dutertre n’entend pas laisser la Chine mettre la main sur des récifs qui appartenaient jusqu’alors aux Philippines, lesquelles ont, en plus, eu gain de cause devant la Cour permamente d’arbitrage en juillet. D’ailleurs, lors du sommet des pays d’Asie du Sud Est, la semaine passée, Manille a accusé les autorités chinoises d’aménager, à des fins militaires, l’atoll de Scarborough, dont la Chine s’est approprié en 2012.

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