Il y aurait un millier de jihadistes tunisiens en Libye, selon un ministre

Alors qu’elle a connu une transition démocratique aboutie dans la ligne des printemps arabe de 2011, la Tunisie est paradoxalement le pays qui compte le plus de jihadistes enrôlés dans les rangs de l’État islamique (EI ou Daesh) au regard de sa population. Et encore, selon les autorités tunisiennes, plus de 18.000 départs vers la Syrie ou la Libye ont été empêchés entre mars 2015 et août 2016.

Selon une étude des Nations unies publiée l’an passé, environ 5.500 Tunisiens seraient partis rejoindre une organisation jihadiste, dont 4.000 en Syrie et en Irak. Et, dans le lot, il y aurait 700 femmes.

En marge de l’Université d’été de la Défense, organisée sur le campus de l’École polytechnique, le ministre tunisien de la Défense, Farhat Horchani, a estimé que la branche libyenne de Daesh compterait au moins un millier de jeunes ressortissants de son pays. Évidemment, la question de leur retour va poser d’énormes problèmes de sécurité. Problèmes qui vont aussi concerner la France dans la mesure où il y a, parmi eux, des binationaux franco-tunisiens.

Cela étant, les jihadistes tunisiens partis en Libye, où l’EI est en passe de perdre son fief de Syrte, ne reviennent pas de « manière massive », a voulu rassurer M. Horchani. Et, a-t-il continué, « il est très probable que certains partent vers le sud, et certains vont aller vers l’ouest. » Mais « il faut rester vigilant », a-t-il ajouté.

Toutefois, il ne faudrait pas oublier que, en mars, des jihadistes de Daesh venus de Libye ont tenté d’occuper la ville tunisienne de Ben Gardane, avant d’en être chassés au prix de pertes relativement importantes.

En outre, il faudra aussi compter sur les milliers de jihadistes tunisiens qui reviendront de Syrie ou d’Irak si l’EI perd ses bastions de Mossoul et de Raqqa, ce qui signerait la fin du « califat » autoproclamé. Qu’en feront les autorités tunisiennes?

Selon RFI, environ 600 jihadistes tunisiens rentrés au pays sont actuellement emprisonnés. « Mais cela pose aussi un problème, celui de l’endoctrinement carcéral » car « dans les prisons encombrées, les membres du groupe EI sont mélangés avec les prisonniers de droit commun ».

Autant dire que le défi posé est énorme, d’autant plus que la Tunisie, déjà victime de trois attentats meutriers en 2015, doit aussi faire face à la brigade Oqba Ibn Nafaa, qui, liée à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), est surtout active dans la région du mont Châambi, à la frontière avec l’Algérie. Le 30 août, cette organisation a d’ailleurs revendiqué la mort 3 soldats tunisiens, tombés dans une embuscade au Mont Sammama.

En attendant, M. Horchiani se concentre d’abord sur la question des combattants étrangers de l’EI en Libye. « Les pays gèrent la question au jour le jour », a-t-il déploré. « La guerre contre le terrorisme est une guerre totale. Si on traite le terrorisme seulement sur le plan sécuritaire et militaire, on perd la guerre », a-t-il estimé.

Et d’expliquer : « Le terrorisme, c’est une pensée, c’est une culture qui se forge dans l’esprit des jeunes. Il faut créer un type nouveau d’éducation, mener un autre type de discours religieux aussi. (…) Il faut inculquer aux jeunes que l’islam ce n’est pas cela (…) Sinon on va avoir dans quelques années un monstre plus dangereux que Daesh. »

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