La diffusion d’un document classé « confidentiel défense » fait polémique

confidentiel-20160826Fin août 2013, la France et les États-Unis préparaient des raids aériens en Syrie afin de « punir » le régime de Bachar el-Assad pour l’attaque chimique de la Goutha, commise quelques jours plus tôt avec du gaz sarin. Seulement, le président Obama annonça, à la dernière minute, son intention de consulter le Congrès avant de lancer cette opération, qui sera finalement annulée. Et, suite à un accord entre les diplomates russes et américains, obtenu le 14 septembre, Damas acceptera de détruire son arsenal chimique.

Le quotidien Le Monde, dans le cadre de sa série intitulée « Les coulisses du quinquennat », est revenu longuement sur cet épisode dans son édition du 25 août. Ainsi, l’on apprend que des Rafale basés à Abou Dhabi et à Djibouti [ndlr, où des Mirage 2000 sont habituellement déployés] devaient tirer 5 missiles de croisière Scalp contre des bases militaires syriennes en cas du feu vert du président Hollande.

Les deux auteurs de ce papier, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, étaient quasiment aux premières loges puisque, le 30 août 2013, ils avaient été reçus à l’Élysée par le chef de l’État. Ils racontent : « Sur le bureau du président, envahi de dossiers, quelques documents, certains estampillés ‘Confidentiel défense’. Hollande consulte l’un d’entre eux en particulier. Nous en avons eu copie. Rédigé la veille, le 29 août, par son état-major particulier, il détaille la ‘timeline du raid’ à venir. C’est le véritable vade-mecum de l’intervention française. Tout y est répertorié. (…) Hollande annote le document, compare les décalages horaires, pour mieux se caler avec l’allié américain. »

Seulement, pour illustrer l’article, le quotidien a publié une des pages de ce document classé « confidentiel défense », celui dont ses journalistes disent en avoir obtenu un copie…

Ces derniers ne disent pas comment ces informations leur ont été communiquées mais il n’y a guère besoin d’être doué d’un sens de la déduction très poussé pour comprendre qu’elles n’ont pu leur être données que par ceux qui les avaient en leur possession, c’est à dire les services de l’Élysée. D’ailleurs, aucune protestation officielle n’a été faite suite à la publication de ce document.

À l’antenne de RTL, le député des Alpes-Maritime, Éric Ciotti, n’a pas manqué d’épingler le chef de l’État. « Hier, des journalistes du Monde, qui ont vu François Hollande six fois, indiquent qu’il leurs a remis une note confidentielle défense sur l’intervention de la France en Syrie. Quelle conception de l’État de la part d’un président de la République comme ça? », s’est-il offusqué.

Mais pour la députée (PS) Patricia Adam, qui est aussi la présidente de la commission de la Défense nationale de l’Assemblée nationale, l’importance du document en question est à relativiser. « Lancer une polémique là-dessus me paraît absurde. À l’époque, tout le monde savait que la France voulait frapper Bachar. À la limite, si ce document était sorti avant que l’opération soit lancée, je pourrais comprendre. Mais là… », a-t-elle estimé dans les colonnes du Parisien.

En France, il existe trois niveaux de classification des informations sensibles : Très Secret-Défense, Secret-Défense et Confidentiel-Défense.

L’article R2311-3 du Code de la Défense précise que « le niveau Confidentiel-Défense est réservé aux informations et supports dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale classifié au niveau Très Secret-Défense ou Secret-Défense. »

La compromission d’informations classées est un délit passible, selon le code pénal, de 5 ans d’emprisonnement assortis de 75.000 euros d’amende.

Cependant, l’article R2311-4 du Code de la Défense indique que « les modifications du niveau de classification et la déclassification ainsi que les modifications et les suppressions des mentions particulières sont décidées par les autorités qui ont procédé à la classification. »

Les informations contenues dans le document publié par Le Monde ne portent pas, du moins à première vue, à conséquence. Les coordonnées des cibles que les Rafale devaient viser ne sont pas dévoilées et leur divulgation ne mettent pas en péril une opération française en cours. Reste que, à l’heure où DCNS fait face à l’affaire des fuites concernant les sous-marins Scorpène destinés à l’Inde, la publication par un quotidien d’un document classé « Confidentiel-Défense » n’est pas très heureux et que l’exemple doit toujours venir « d’en-haut »…

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