DCNS a porté plainte contre X pour la fuite d’informations concernant les Scorpène indiens

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La fuite de 22.000 pages de documentation technique concernant les sous-marins Scorpène destinés à la marine indienne est évidemment un coup dur pour le constructeur naval français DCNS, même si les informations dévoilées, à « diffusion restreinte », ne sont pas « critiques » étant donné qu’elles portent la mention « diffusion restreinte ».

« Il s’agit de documents à usage commercial, qui n’ont pas un caractère confidentiel au sens du secret défense », a expliqué, au quotidien Les Échos, une source militaire française.

« À ce stade, les données volées concernent le mode d’emploi des sous-marins et il paraît très improbable que des documents classifiés aient été volés, les règles pour leur détention étant très complexes », a par ailleurs confié une source gouvernementale française à l’agence Reuters.

Cela étant, le manuel technique d’un système d’armes complexe qu’est un sous-marin n’est pas celui d’une Twingo, c’est à dire qu’il peut contenir des renseignements susceptibles d’être utiles à tout adversaire potentiel.

Cette affaire, révélée par un journal australien, tombe à un moment crucial pour DCNS. Le constructeur français doit en effet finaliser le contrat concernant l’appel d’offres de 12 sous-marins de type Shortfin Barracuda pour les besoins de la Royal Australian Navy, lequel a été remporté au printemps dernier aux dépens de l’allemand TKMS, qui a du mal à digérer son échec, et de l’alliance des industriels japonais Mitsubishi Heavy Industries et Kawasaki Heavy Industries.

Toutefois, Canberra a relativisé l’importance de cette fuite. « Évidemment, c’est une question très grave pour la marine indienne et pour le projet DCNS » mais cela « n’a aucune incidence sur le projet australien », a encore répété Christopher Pyne, le ministre australien de l’Industrie de Défense.

Plus généralement, cette affaire risque de compliquer la tâche de DCNS pour d’autres appels d’offres, le constructeur naval étant en lice pour fournir des sous-marins à la Norvège et à la Pologne ainsi que trois autres Scorpène à la marine indienne. Et il est même à craindre qu’il y ait des répercussions sur d’autres industriels français de la Défense, notamment en Inde, où un contrat portant sur l’acquisition de 36 Rafale est en cours de négociation.

Cependant, le ministère indien de la Défense a aussi relativisé l’importance de cette fuite. « Les documents qui ont été publiés (…) ont été étudiés et ne posent aucun risque du point de vue de la sécurité car les paramètres essentiels ont été occultés », a-t-il fait valoir via un communiqué.

En tout cas, cette fuite de documents est du pain béni pour les concurrents de DCNS, voire pour un pays qui disputerait à la France certains contrats d’armement. Reste à voir qui en est à l’origine.

D’après la source gouvernementale sollicitée par Reuters, il ne convient pas de parler de fuite mais de « vol et de malveillance ». « On n’a pas pu identifier une négligence de la part de DCNS, on a plutôt identifié une malhonnêteté individuelle », a-t-elle expliqué, avant d’affirmer, sans plus de précision, que les documents « ont très probablement été volés par un ancien salarié français d’un sous-traitant de DCNS licencié pour faute assurant la formation en Inde de l’utilisation des sous-marins. »

Quoi qu’il en soit, le 25 août, DCNS a déposé une plainte conre X pour « abus de confiance, recel et complicité ». Il revient maintenant au Parquet de décider, ou non, d’ouvrir une enquête préliminaire et de confier les investigations à un juge d’instruction.

D’après The Australian, le journal qui a révélé cette affaire et évoqué le rôle d’un salarié travaillant pour un sous-traitant de DCNS, les documents auraient été remis à une société asiatique, avant d’être copiés sur un disque dur pour être envoyés, par courrier, à une entreprise australienne. Ont-ils été diffusés plus largement? Pour le moment, on l’ignore.

« Nous, nous ne pouvons pas nous avancer sur des allégations qui sont faites ; c’est pour cela que nous demandons aux autorités de faire une enquête », a expliqué un porte-parole de DNCS. « La concurrence est de plus en plus dure et toutes les pratiques peuvent aussi avoir lieu dans ce contexte-là », a-t-il continué. Et d’expliquer : « Il y a l’Inde, l’Australie, il y a d’autres prospects, d’autres pays qui pourraient aussi émettre légitimement des interrogations sur DCNS. Cela fait partie des outils de la guerre économique. »

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