Le sacrifice du maréchal des logis Jehan de Terline

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Pour les historiens, Arminius était un chef de guerre de la tribu germanique des Chérusques, connu pour avoir été le vainqueur de la bataille de Teutobourg, au cours de laquelle trois légions et six cohortes romaines furent anéanties (soit 20.000 hommes).

Mais pour les aviateurs français de l’escadrille N38, « Arminius » était le sobriquet donné à un pilote allemand qui, aux commandes de son Rumpler type C (d’autres sources parlent d’un Aviatik ou d’un Albatros), venait les narguer en survolant Châlons-sur-Marne quasi quotidiennement, toujours à la même heure, et en larguant de temps en temps quelques bombes sur la ville avant de s’esquiver habilement.

Aussi, « Arminius » devint le sujet de conversation des pilotes de la N38. Parmi eux, le maréchal des logis Jehan Macquart de Terline n’était pas le dernier à échafauder des plans pour le surprendre et l’envoyer « au tapis »…

Né le 21 juillet 1892 à Blendecques, Jehan Macquart de Terline est issu d’une ancienne famille noble. Son baccalauréat en poche, il entame des études de droit à Paris avant de rejoindre, en novembre 1910, le 21e Régiment de Dragons, alors installé à Saint-Omer. Quand la guerre éclate, il est affecté au 9e Régiment de Cuirassiers de Douai.

Comme beaucoup de cavaliers à l’époque, il demande à être versé dans l’aviation. Ce qui lui sera acccordé. Le jeune sous-officier obtient son brevet de pilote militaire à Avord le jour de son 23e anniversaire. Puis, il est affecté à l’escadrille N38, équipée d’avions Nieuport XI. Là, il ne tarde pas à se distinguer, en enchaînant les missions de reconnaissance périlleuses au-dessus et au-delà des lignes ennemies. Il est décrit comme étant un pilote « adroit et brave ».

Ainsi, le 20 mai 1916, il attaque et contraint à atterrir un Fokker alors qu’il se trouve à 10 km à l’intérieur des lignes allemandes. Il rentre au terrain avec un Nieuport criblé d’impacts, ce qui lui vaudra une citation. En juillet de la même année, Jehan de Terline réussit à abattre deux avions allemands (un Fokker et un Aviatik), ce qui lui vaut d’obtenir la Médaille Militaire.

Cependant, « Arminius » reste insaissable et continue ses provocations. Il faut dire que le pilote allemand est particulièrement habile pour surprendre la chasse française et, le cas échéant, pour s’esquiver en utilisant au mieux les capacités de son appareil.

Lors d’une petite fête organisée le 26 juillet par l’escadrille, Jehan de Terline aurait déclaré à ses camarades : « Quoi qu’il advienne, et même si ma mitrailleuse s’enraye, demain, je l’aurai! ». Ces propos ne sont pas ceux d’un vantard mais d’un jeune pilote qui avait à l’esprit un combat qui faillit être fatal au sous-lieutenant Chaput, l’appareil de ce dernier ayant été volontairement percuté par le LVG allemand qu’il venait d’endommager.

Le lendemain, « Arminius » est signalé vers Châlons-sur-Marne. Mais il est attendu par une patrouille de l’escadrille N38 qui, évoluant à haute altitude, finit par le repérer au-dessus de la main de Massiges, à proximité de Minaucourt. Deux Nieuport XI foncent sur lui… Mais dans leur précipitation, ils s’accrochent et sont contraints de rompre le combat. Par une chance inouïe, leurs pilotes seront indemnes…

Alors Jehan de Terline met plein gaz et se lance à la poursuite d' »Arminius ». Arrivé à bonne distance, il ouvre le feu… Mais sa mitrailleuse s’enraye. « Je l’aurai! », avait-il promis la veille… Ne pouvant plus compter sur son arme, une seule solution s’impose à lui. Il dirige son Nieuport vers l’avion allemand et l’éperonne en l’abordant par l’arrière. Les deux appareils tombent et s’écrasent dans un fracas d’acier et de toile.

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C’est ainsi que Jehan de Terline perdra la vie et que l’Oberleutnant Günther Freytag et l’Unteroffizier Erich Finke cesseront définitivement leurs provocations au-dessus de Châlons-sur-Marne.

« Déjà cité à l’ordre de l’armée et décoré de la Médaille Militaire pour avoir abattu un Fokker le 2 juillet et un Aviatik le 6 juillet 1916. Est mort en héros le 27 juillet 1916, au cours d’un combat aérien. Ayant épuisé ses cartouches, à bout portant et voyant son adversaire sur le point de repasser les lignes, l’a abordé à une altitude de 3.000 m et l’a précipité au sol en l’entraînant dans sa propre chute », soulignera la troisième citation attribuée au maréchal des logis de Terline.

Ce n’est que le 11 novembre 1921 que la Légion d’Honneur lui sera décernée à titre posthume, avec cette citation : « Pilote de chasse d’une bravoure héroïque, sublime exemple de dévouement le plus absolu, le 27 juillet 1916, voyant deux de ses camarades qui attaquaient avec lui un avion ennemi, tomber désemparés, s’est précipité sur son adversaire et l’a entraîné avec lui dans sa chute. »

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