Les Balkans restent une source d’approvisionnement en armes pour la Syrie et le Yémen

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En mars 2013, un article du journal croate « Jutarnji List » affirmait que Zagreb était l’un des principaux « points de transit » de cargaisons d’armes et de munitions destinées aux rebelles syriens et collectées par les États-Unis, avec un financement saoudien.

« Des responsables américains ont engagé des partenaires – la Croatie, l’Arabie saoudite, la Jordanie et la Turquie – dans cette opération d’armement des opposants du régime syrien », expliquait alors le quotidien. Mais, les informations qu’il avançait alors furent rapidement démenties par une porte-parole du ministère des Affaires étrangères croates. « La Croatie n’a pas vendu ni fait don d’armes aux rebelles syriens », avait-elle soutenu.

Pourtant, les affirmations du Jutarnji List rejoignaient des informations publiées quelques semaines plus tôt par le New York Times. Le quotidien américain avait en effet affirmé que l’Arabie Saoudite avait acheté une « une grande quantité d’armes terrestres », issues d’un stock datant des guerres balkaniques dans les années 1990 et fournis à la rébellion syrienne via la Jordanie.

Deux ans plus tard, une étude de l’ONG Small Arms Survey soulignait l’importance des anciens arsenaux hérités de la période soviétique dans certains pays d’Europe du sud. Ce qui, évidemment, ne pouvait que favoriser les « exportations » ou alimenter les trafics vers des zones de conflit.

« Les ventes et les dons sont restés les principales formes d’élimination des excédents de stock. Les États participants à la RASR » [Regional Approach to Stockpile Reduction – Approche régionale visant à réduire les stocks, ndlr] », c’est à dire l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, l’ex-République yougoslave de Macédoine, le Monténégro, la Roumanie, la Serbie
et la Slovénie, « n’opteront pour la destruction de leurs excédents de stock que si leur valeur marchande s’avère médiocre », soulignait l’ONG.

Restait alors à connaître l’ampleur du flux d’armes vers ces pays en guerre, comme, en particulier, la Syrie et le Yémen.

La réponse vient d’être donnée par des journalistes d’investigation des Balkans, réunis au sein de l’OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project, basé en Bosnie-Herzégovine). Ainsi, selon leur enquête, le marché des armes à destination du Moyen Orient est évalué à 1,2 milliard d’euros depuis 2012. Parmi les vendeurs, on retrouve 6 pays de la participants à la RSAR ainsi que la Slovaquie et la République tchèque. À noter que plusieurs sont membres de l’Union européenne… qui a décrété un embargi sur les armes aux belligérants en Syrie.

Le rapport indique que l’Arabie Saoudite est le principal acheteur de ces armes (80% du total), ce qui n’est guère une surprise quand on sait que le royaume est l’un des bailleurs de fonds les plus en vue des groupes rebelles syriens et des forces yéménites.

« Le constat qu’on fait, c’est que l’Arabie saoudite et les autres n’achètent pas ces armes pour leur propre usage parce qu’ils en ont déjà des très modernes vendues par les pays de l’Otan. Et jusqu’en 2012, il n’y a aucun historique de vente d’armes issues de cette région vers l’un de ces quatre pays. Donc, ces armes-là sont commandées pour être in fine livrées aux combattants en Syrie », a expliqué, à RFI, Miranda Patrucic, qui a participé à cette enquête.

Ces armes et ces munitions ont donc a priori été envoyées aux brigades de l’Armée syrienne libre… Mais pas seulement car certains groupes salafistes en auraient aussi bénéficié. La plupart du temps, elles sont acheminées en Arabie Saoudite, en Jordanie ou aux Émirats arabes unis par avion.

L’OCCRP a ainsi compté 68 vols d’avions cargo susceptibles d’avoir transporté des armes au Moyen-Orient. Certains ont été assurés par des Il-76 appartenant aux compagnies biélorusses Ruby Star Airways et TransAVIAexport Airlines.

Et ce transfert d’armes n’est pas prêt de s’arrêter : il s’est même intensifié en 2015. Ainsi, le rapport de l’OCCRP fait état de livraisons de matériels lourds, dont des chars T-55 et T-72, acheminés cette fois par bateau.

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