Le gouvernement libyen d’union nationale proteste contre la présence de militaires français à Benghazi

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La mort de trois sous-officiers appartenant probablement au service action  de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), lequel est rompu aux opérations clandestines (et non spéciales, par définition discrètes), dans la région de Benghazi, a mis en lumière l’engagement français en Libye, et plus précisément auprès du général Khalifa Haftar, le commandant de l’Armée nationale libyenne (ANL).

En effet, les trois militaires français se trouvaient à bord d’un hélicoptère de fabrication russe – un Mi-35- en dotation au sein de l’ANL. Selon un porte-parole de cette dernière, l’appareil, à bord duquel se trouvaient aussi un pilote et deux techniciens libyens, s’est écrasé dans le secteur de Magroun, à 75 km au sud de Benghazi.

Une milice islamiste, liée à la Brigade de défense de Benghazi, a affirmé, le 17 juillet, avoir abattu cet hélicoptère au moyen d’un SA-7, un missile de type MANPADS. Ce qu’a démenti l’ANL, qui a parlé d’une « panne technique ».

Quoi qu’il en soit, ce drame a donc contraint Paris à admettre officiellement la présence de militaires français dans l’est de la Libye. Jusqu’alors, la France n’avait que reconnu que l’existence de missions aériennes de reconnaissance au-dessus du territoire libyen afin d’évaluer les positions tenue par les jihadistes, qu’ils soient de Daesh ou proches d’al-Qaïda.

Cela étant, la présence de forces spéciales (ou clandestines) françaises, et plus généralement occidentales, n’est plus un secret depuis plusieurs mois. Et elle fut même récemment confirmée par Martin Kobler, l’envoyé spécial des Nations unies en Libye. Et le gouvernement libyen d’union nationale (GNA), installé depuis peu à Tripoli, n’y avait trouvé à redire.

Sauf que, après la mort de ces trois sous-officiers français, le GNA a réagi vivement en accusant Paris de « violation » du territoire libyen et en se disant « mécontent de l’annonce du gouvernement français concernant la présence française dans l’est de la Libye. »

Si « toute aide ou assistance offerte par les pays amis dans la guerre contre Daesh, tant qu’elle intervient dans le cadre d’une demande adressée au GNA et en coordination avec le GNA » est la bievenue, rien « ne justifie une intervention sans que nous en soyons informés et sans coordination avec nous », a fait valoir Tripoli.

Pour comprendre cette réaction, il faut remonter aux dernières élections législatives libyennes, remportées en juin 2014 par les libéraux. Le Congrès général national, dominé par les islamistes, en contesta les résultats. Du coup, la Libye se retrouva avec deux gouvernements concurrents, l’un établi dans l’est du pays, l’autre installé à Tripoli.

Par la suite, le gouvernement de Tobrouk nomma le général Khalifa Haftar à la tête de ses forces armées. Ce dernier avait lancé, en mai 2014, l’opération Dignité, afin de chasser les jihadistes de Benghazi, avec l’appui de l’Égypte et des Émirats arabes unis.

La rivalité (armée) entre ces deux gouvernements favorisa donc l’implantation de l’EI en Libye… D’où l’action des Nations unies en faveur d’un gouvernement d’union nationale, fruit d’un accord obtenu à Skhirat, (Maroc) en décembre 2015 entre les deux parties, au prix de l’éviction du général Haftar… Cette clause était voulue par les autorités de Tripoli, alors soutenues par la puissante coalition de milices Fajr Libya, adversaire résolue du commandant de l’Armée nationale libyenne.

Aussi, le sort du général Haftar bloque la reconnaissance par le Parlement de Tobrouk du gouvernement d’union nationale. D’où la réaction de ce dernier à l’annonce de la présence de militaires français auprès de l’ANL, laquelle reste probablement la plus efficace pour combattre Daesh.

En clair, Tripoli reproche à la France d’entraver le processus politique en cours en soutenant le général Haftar. Est-elle la seule à être impliquée à Benghazi? Apparemment non, les États-Unis, qui ont effectué au moins trois frappes aériennes contre des responsables jihadistes de haut rang, le sont également, et sans doute depuis plus longtemps.

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