Si les « purges » continuent, la Turquie risque d’être exclue de l’Otan, avertit John Kerry

Limogeage de milliers de fonctionnaires, des centaines de militaires, de policiers et de magistrats arrêtés, 70 généraux placés en garde à vue… Quatre jours après la tentative manqué d’un coup d’État fomenté par une partie de l’armée, les « purges » continuent en Turquie. Le président Recep Tayyip Erdoğan avait promis d’éliminer le « virus » au sein de l’État : il tient parole.

Cependant, ce putsch manqué permet à M. Erdoğan, dont la dérive autoritaire faisait déjà l’objet de vives critiques, de se débarrasser à bon compte de ses opposants. « On a au moins l’impression que quelque chose avait été préparé. Les listes sont disponibles, ce qui laisse penser que cela était préparé pour servir à un moment ou un autre », a résumé Johannes Hahn, le commissaire européen à l’Élargissement.

Dans un premier temps, le Occidentaux ont soutenu le président Erdoğan lors de cette tentative de coup d’État, estimant qu’il était primordial de soutenir l’ordre constitutionnel et les institutions démocratiques. Mais, devant l’ampleur des purges, le ton se fait plus inquiet.

Le secrétaire d’État américain, John Kerry, y est allé franco en évoquant l’exclusion éventuelle de la Turquie de l’Alliance atlantique si les purges devaient continuer.

« L’Otan a également des exigences en termes de démocraties », a dit le chef de la diplomatie américaine, à l’issue d’un sommet du Conseil de l’Europe. « Beaucoup de gens ont été arrêtés, et arrêtés très rapidement. Le niveau de vigilance et d’observation va évidemment être élevé dans les jours à venir. J’espère que nous pourrons travailler de manière constructive et éviter un retour en arrière », a-t-il ajouté.

« Nous espérons que le gouvernement [turc] sera à la hauteur des principes démocratiques inscrits dans sa Constitution », a, par la suite, commenté John Kirby, un porte-parole du département d’État. « Les institutions internationales comme l’UE et l’Otan regarderont certainement de près le fil des événements car les responsabilités démocratiques vont de pair avec l’adhésion », a-t-il ajouté.

Reste à voir si l’Otan pourrait se passer de la Turquie, qui en est membre depuis 1952, comme d’ailleurs la Grèce, avec laquelle Ankara n’entretient pas les meilleurs relations du monde. Et l’adhésion de ces deux pays à l’Alliance leur a très certainement évité une confrontation armée directe.

Mais surtout, au sein de l’Otan, la Turquie occupe une position stratégique dans la mesure où elle verrouille l’accès de la Méditerranée à la flotte russe de la Mer noire, via les détroits du Bosphore et des Dardanelles.

En outre, l’Otan dispose de plusieurs facilités en Turquie, dont la base aérienne d’Incirlik, actuellement utilisée par la coalition anti-État islamique (EI ou Daesh) dirigée par les États-Unis, le radar d’alerte avancée de Kürecik, qui sert à la défense antimissile des alliés, et d’un centre de commandement à Izmir (Allied Land Forces Southeastern Europe).

Enfin, la Turquie participe à 4,1 % du budget de l’Otan et elle est le quatrième pays contributeur aux opérations de l’organisation. Elle est, par exemple, « nation-cadre » dans la région de Kaboul pour la mission Resolute Support.

« Le positionnement de la Turquie est marqué par une tension entre d’une part, sa volonté de s’affirmer comme une voix forte au sein de l’OTAN avec des attentes élevées vis-à-vis de l’Alliance – en termes de défense collective et de financement commun par exemple –, et d’autre part, son souhait de préserver une entière autonomie politique en se montrant parfois difficile s’agissant des compromis nécessaires au nom de la solidarité alliée : par exemple sur les partenariats, en particulier entre l’OTan et l’Union européenne. En somme, la Turquie est un allié fiable pour l’Otan, mais dont les positionnements doivent toujours être examinés avec circonspection, dans le cadre d’un dialogue permanent », soulignait, en février, le député Philippe Vitel, co-auteur d’un rapport sur l’évolution de l’Alliance.

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