Après l’attentat de Nice, l’opération Sentinelle reste à 10.000 hommes et l’état d’urgence sera maintenu

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La Promenande des Anglais, à Nice. Il est près de 23 heures et le feu d’artifice traditionnellement tiré pour le 14-Juillet se termine. De nombreux spectateurs, venus en famille, déambulent sur cette avenue qui longe la Baie des Anges. Il y a de la musique, l’ambiance est à la fête…

Soudain, un camion blanc d’une dizaine de tonnes surgit et fonce dans la foule, zigzaguant même pour faire le plus de victimes. Des coups de feu sont entendus par des témoins. Des policiers interviennent, tirent sur la cabine du poids-lourd, lequel finit par s’immobiliser au niveau de l’hôtel Westminster.

Le chauffeur, armé d’un pistolet, est abattu. Plus tard, grâce à un permis de conduire retrouvé dans la cabine du camion, l’on apprendra qu’il s’agit de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, un franco-tunisien, âgé de 31 ans, résidant à Nice et connu des services de police pour des affaires de droit commun. A priori, il ne faisait pas l’objet d’une « fiche S » et ne passait pas pour un adepte des thèses jihadistes.

Pendant un moment, il règnera une grande confusion sur les lieux du drame. Une prise d’otages dans un restaurant Buffalo Grill est évoquée, avant d’être formellement démentie par le ministère de l’Intérieur, qui parle alors d’un acte terroriste après avoir activé une cellule de crise.

Sur la promenade des Anglais, c’est l’horreur et la désolation. Des corps sans vie jonchent le sol. Le bilan est effroyable : 84 personnes y ont laissé la vie, dont au moins une dizaine d’enfants. Et il y a aussi 18 blessés « en urgence absolue ».

Dans la nuit, alors que le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve doit se rendre à Nice, le président Hollande fait plusieurs annonces, dont le maintien des effectifs de l’opération Sentinelle à 10.000 hommes (qui devaient être ramenés à 7.000), l’appel à la réserve opérationnelle, c’est à dire « à tous ceux qui ont été à un moment sous les drapeaux ou dans les effectifs de la gendarmerie pour venir soulager les effectifs de policiers et de gendarmes », et la prolongation, pour trois mois de plus, de l’état d’urgence, dont la levée était prévue le 26 juillet.

« Rien ne nous fera céder dans notre volonté de lutter contre le terrorisme et nous allons encore renforcer nos actions en Syrie comme en Irak. Nous continuerons à frapper ceux qui justement nous attaquent sur notre propre sol, dans leurs repères. Je l’ai annoncé hier matin », prévient encore le chef de l’État.

La Section antiterroriste du parquet de Paris s’est saisie de l’enquête. Il s’agira notamment de déterminer si l’assaillant a agi seul ou avec l’aide de complice. Selon les premiers éléments, il apparaît que le camion a été loué à une société du sud-est de la France.

Pour le moment, cet attentat n’a pas été revendiqué. Le mode opératoire utilisé avait été préconisé en septembre 2014 par Abou Mohammed Al-Adnani, le porte-parole de l’État islamique (EI ou Daesh). « Si vous ne pouvez pas trouver d’engin explosif ou de munition, alors isolez l’Américain infidèle, le Français infidèle, ou n’importe lequel de ses alliés. Ecrasez-lui la tête à coups de pierre, tuez-le avec un couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le dans le vide, étouffez-le ou empoisonnez-le », avait-il dit.

Bien avant, al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) avait également suggéré à ses partisans « d’utiliser un camion comme une tondeuse à gazon, non pas pour tondre le gazon mais pour faucher les ennemis d’Allah. »

Le fait est, plusieurs attaques – ou tentatives – ont été réalisées en utilisant un véhicule. À Londres, en mai 2013, Michael Adebolajo et Michael Adebowale, deux jihadistes, renversèrent le soldat Lee Rigby avant de le mutiler et de l’assassiner. À l’automne 2014, deux militaires canadiens furent fauchés par une voiture conduite par un homme de 25 ans, converti aux thèses de l’islam radical.

En France, ce mode opératoire a également été utilisé. À Saint-Quentin-Fallavier, en juin 2015, Yassin Salhi, après avoir décapité son patron, Hervé Cornara, fonce, au volant de sa camionnette, sur un hangar contenant des bouteilles d’acétone, sur le site de l’unise Air Products.

Le 16 décembre, un certain Nabil Fehmi a forcé le portail de l’Hôtel des Invalides avant d’être arrêté net par le tir d’un gendarme. Maîtrisé et placé en garde à vue, cet individu aurait tenu des propos « incohérents ». Toutefois, son cas est cité dans le rapport de la commission d’enquête relative aux moyens mis en oeuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme. Enfin, le 1er janvier, un certain Raouf El Ayeb a tenté de s’en prendre à des militaires qui surveillaient la mosquée de Valence avec son véhicule.

L’attentat de Nice survient un mois à peine l’assassinat d’un commandant de police et de sa compagne par Larossi Aballa, un adepte de Daesh. La « capitale » des Alpes-Maritimes avait échappé à une attaque devant viser, en 2014, son fameux carnaval. L’instigateur, Ibrahim Boudina, 23 ans, avait été arrêté deux jours seulement avant les festivités.

En outre, Nice est aussi la ville dont est originaire Omar Diaby (alias Omar Omsen), l’un des principaux recruteurs du Front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda. Considéré comme mort depuis août 2015, il était apparu en mai dernier dans un reportage de l’émission Complément d’enquête, diffusée par France 2. Là, il avait soutenu les attentats du 13 novembre à Paris. D’après le journaliste David Thomson, plus d’une centaine de Niçois seraient parti en Syrie pour rejoindre les organisations jihadistes.

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