L’État jugé en partie responsable de l’assassinat du caporal-chef Abel Chennouf par Merah

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Le 15 mars 2012, devant la caserne du 17e Régiment du Génie Parachutiste (RGP), à Montauban, le caporal Abel Chennouf et le soldat de 1ère classe Mohammed Legouade sont assassinés par Mohammed Merah. Un troisième militaire, le caporal Loïc Liber, sera gravement blessé.

Quelques jours plus tôt, le terroriste avait tué le maréchal des logis chef Imad Ibn Ziaten, à Toulouse. Et, toujours dans la ville rose, il récidivera en enlevant la vie à trois enfants et à un enseignant du collège-lycée juif Otzar Hatorah. Ces actions seront revendiquées plus tard par le Jund al-Kilafah, une organisation liée à al-Qaïda et opérant en Afghanistan ainsi que dans les zones tribales pakistanaises.

Le 22 mars, Merah sera tué par les policiers du RAID, à l’issue du siège de l’appartement dans lequel il s’était retranché. Le problème est que le terroriste était bien connu de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, aujourd’hui DGSI), qui l’avait repéré pour ses voyages en Afghanistan et au Pakistan.

Seulement, la surveillance dans il faisait l’objet fut arrêtée à la suite d’un ultime entretien avec la DCRI, en novembre 2011. Selon le ministre de l’Intérieur de l’époque, Claude Guéant, « personne (n’avait) jamais décelé d’intention criminelle chez lui. »

Cependant, ces explications – si on peut les qualifier comme telles – n’ont évidemment jamais apporté les réponses qu’attendait Albert Chennouf, le père du caporal du 17e RGP tué par Merah. Ce dernier a donc saisi la justice, qui vient de lui rendre raison.

En effet, le tribunal administratif de Nîmes a estimé que cet abandon de la surveillance de Merah était une faute engageant la responsabilité des pouvoirs publics.

Le terroriste, qui avait voyagé en Afghanistan et au Pakistan 2010 et en 2011 « faisait l’objet depuis 2006, de l’attention des services de renseignement pour sa fréquentation des milieux de l’islamisme radical et son appartenance à cette mouvance », ont rappelé les juges, qui ont souligné « le caractère hautement suspect de son comportement, établi depuis plusieurs années. »

Or, ont-ils ajouté, « au lieu de renforcer les mesures de surveillance de Mohamed Merah ou, a minima, de les maintenir, tout suivi de celui-ci a été abandonné », ce qui « a empêché la détection de tout signe annonciateur de ses intentions. » Et d’insister : « L’absence de toutes mesures de surveillance a compromis les chances d’éviter le décès d’Abel Chennouf survenu seulement quatre mois après l’entretien » avec la DCRI.

Lors de l’audience du 29 juin du tribunal gardois, le rapporteur public avait dénoncé, dans ses conclusions, « l’amateurisme des services de l’État » dans le suivi du jihadiste, en particulier « après son retour du Pakistan. »

« Le tribunal de Nîmes établit que le suivi de Mérah dans les mois qui ont précédé le drame a accumulé les négligences. Nous avions déposé cette plainte contre l’État pour faire éclater cette vérité. Nous sommes satisfaits », a commenté Frédéric Picard, l’’un des deux avocats d’Albert Chennouf.

« Maintenant que j’ai obtenu satisfaction, je vais attaquer les personnes nommément. Il y a des gens qui étaient responsables et qui n’ont pas fait leur travail », a prévenu le père du caporal Chennouf.

D’autres familles de victimes pourraient s’inspirer de la démarche d’Albert Chennouf. Ainsi, Latifa Ibd Ziaten, dont le fils fut le premier à tomber sous balles de Merah, envisage désormais de porter plainte contre l’État. « Nos enfants sont morts et on ne sait pas pourquoi. Pourquoi on a laissé faire quelqu’un de dangereux ? Mohamed Merah aurait dû être surveillé », a-t-elle confié.

Même chose les familles de 17 victimes du Bataclan. Leur avocate, Me Samia Maktouf, va déposer un recours contre l’État devant le tribunal administratif de Paris en citant le cas de Samy Amimour. Ce jihadiste, pourtant sous contrôle judiciaire, avait réussi à se rendre en Syrie en 2013, puis à revenir en France pour participer aux attaques terroristes du 13 novembre à Paris.

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