Regain de tensions en Centrafrique, alors que les effectifs de Sangaris ont été réduits

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Alors que les effectifs de l’opération française Sangaris, conformément à ce qui avait été annoncé, viennent d’être ramenés à 350 militaires, la Centrafrique connaît un regain de tensions depuis quelques jours. Et cela, après plusieurs mois d’une relative accalmie.

Ainsi, le 16 juin, 10 personnes ont été tuées dans la région de Ngaoundaye, au nord-ouest, lors d’une attaque menée par des Peuls armés et des membres de l’ex-coalition rebelle de la Séléka. C’est, du moins, ce qu’a affirmé un officier de la gendarmerie centrafricaine, qui a précisé que les assaillants, en provenance du nord, souhaitaient se rendre vers la frontière avec le Cameroun.

Or, ce fut précisément dans cette région (préfecture d’Ouham-pendé) et celle, voisine, de l’Ouham, que naquit le mouvement anti-balaka, formé par des miliciens essentiellement chrétiens pour répondre aux exactions commises par le régime de Michel Djotodia, issu de la Séléka.

Dans le centre-est du pays, le 18 juin, un convoi de Médecins sans Frontières (MSF) a été attaqué alors qu’il circulait sur l’axe Sibut-Grimari. Un chauffeur y a perdu la vie. Le second en un mois…

Trois jours plus tard, un nouvel affrontement, opposant cette fois des éleveurs peuls à des membres de l’ex-Séléka, a fait au moins 16 tués dans la région de Batangafo. Les Casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unis pour la stabilisation de la République centrafricaine (MINUSCA) ont dû s’interposer.

Malgré sa gravité, cet incident n’annonçait alors pas, à première vue, de nouvelles tensions intercommunautaires comme la Centrafrique en a connu depuis 2013, dans la mesure où ces violences seraient en fait liées à la transhumance annuelle des éleveurs peuls, lesquels emmènent leurs troupeaux dans le nord de la Centrafrique, ce qui n’est pas susciter quelques convoitises… Et cela les oblige à s’armer pour protéger leurs bêtes des voleurs de bétail.

Mais à y regarder de plus près, les raisons sont plus compliquées. Comme l’explique Jeune Afrique, des éléments de l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), une formation dirigée par général Ali Darassa [ndlr, un Peul] ayant fait partie de la Séléka, ont accompagné des Peuls armés dans une région contrôlée par le Mouvement patriotique pour la Centrafrique, une autre faction de l’ex-coalition rebelle. Et, a priori, ces deux mouvements n’ont pas les meilleurs rapports du monde… D’où cet accrochage meurtrier.

Pratiquement  le même temps, à Bangui, des policiers centrafricains ont arrêté cinq personnes – des Peuls – au point kilométrique 12 (PK 12) au motif qu’ils feraient partie du « groupe d’autodéfense » du quartier musulman de la capitale. Le chef de ce dernier, Haroun Gaye, un ancien de la Séléka, est d’ailleurs activement recherché par la MINUSCA.

Quoi qu’il en soit, ce coup de filet a donné lieu à une attaque en règle du commissariat du 3e arrondissement par les membres de cette milice. Et 6 policiers sont alors pris en otage. Le lendemain, les forces de police centrafricaines ont tenté une opération pour libérer ces derniers. Seulement, rapidement débordées, elles ont dû demander l’aide du contingent rwandais de la MINUSCA, dont l’intervention aura été décisive, au terme de combats ayant fait au moins 7 tués.

Mais les esprits ne sont pas calmés pour autant. Le 24 juin, la disparition d’un casque bleu sénégalais affecté à Bangui a été signalée. Son corps sera retrouvé, « à l’hôpital général de Bangui, dans des circonstances non encore élucidées », a indiqué, trois jours plus tard, la MINUSCA, qui a précisé que le militaire avait été abattu « par des individus armés non identifiés. »

Pour le ministre centrafricain de la Sécurité, Jean-Serge Bokassa, le problème est qu’il reste encore des groupes armés qui disposent toujours d’armes de guerre « en quantité ». Et « qu’ils ne seront pas désarmés, il n’y aura pas d’accalmie durable et on continuera d’enregistrer des pics de violences », a-t-il dit à l’AFP. « Ces groupes sont des criminels et rien d’autre, ils se livrent à des activités de grand banditisme et tuent impunément mais n’ont pas d’agenda politique », a-t-il encore estimé.

Seulement, les habitants de Bangui craignent d’être pris à nouveau dans les violences. « Depuis que le président François Hollande a annoncé le retrait de la force Sangaris, les exactions se multiplient. C’est comme si les groupes armés avaient retrouvé leur terrain de prédilection », a confié l’un d’eux, rapporte l’AFP.

Ces exactions ne sont pas toujours le fait de groupes armés… Ainsi, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a accusé l’Office central de répression du banditisme (OCRB), qui, dirigé jusqu’au 8 juin dernier par Robert Yékoua-Ketté (alias le « sherif de Bangui »), serait responsable d’au moins 18 exécutions sommaires, c’est à dire en dehors de tout cadre judiciaire.

Mais il y a encore plus inquiétant pour la stabilité du pays : le retour, en Centrafrique, de Nourredine Adam, l’ancien numéro deux de la Séléka. Ce dernier aurait l’intention de refaire l’unité de l’ex-coalition rebelle, qui avait renversé le président Bozizé en mars 2013. Ce qui avait marqué le début des violences qui motivèrent le lancement de l’opération Sangaris, en décembre de la même année.

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