Libye : Le mandat de l’opération européenne Sophia bientôt élargi au contrôle de l’embargo sur les armes?

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Initialement, l’opération navale européenne Sophia (ex-EUNAVFOR MED), lancée il y a un an, avait pour objectif de casser le modèle économique des passeurs de migrants opérant depuis la Libye.

Seulement, faute de pouvoir agir dans les eaux territoriales libyennes, cette opération a vite trouvé ses limites. Qui plus est, les passeurs ont adapté leur mode opératoire en laissant dériver des embarcations de fortune, avec pleine de migrants à bord, juste à la limite des eux internationales.

Aussi, Martin Kobler, l’émissaire des Nations unies poour la Libye comme pour le comité des Affaires européennes de la Chambre des Lords, l’opération Sophia est un échec. Du moins tant qu’il ne sera pas possible aux navires européens d’agir à moins de 12 milles du littoral libyen.

Cependant, le mandat de l’opération Sophia va évoluer. Déjà, il est prévu de la solliciter pour la formation des garde-côtes libyens, à la demande du gouvernement d’union nationale soutenu par la communauté internationale. Et une autre mission va s’ajouter aux autres : celle consistant à contrôler l’embargo sur les armes destinées à la Libye, afin de tenter de couper les filières de ravitaillement des groupes terroristes, à commencer par la branche libyenne de l’État islamique (EI ou Daesh).

En mai dernier, les ministres des Affaires étrangères des puissances occidentales et des pays voisins de la Libye ont convenu de lever partiellement cet embargo afin de permettre aux forces loyales au gouvernement d’union national conduit par Fayez al-Sarraj d’acquérir des armes pour combattre les organisations jihadistes. Et cette décision a été contestée par les autorités rivales de Tobrouk.

Quoi qu’il en soit, pour que l’opération Sophia puisse contrôler cet embargo sur les armes, il faut une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. D’où la demande adressée à ce dernier par Federica Mogherini, Mme le Haut-représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, ce 6 juin.

En fait, Mme Mogherini a exhorté le Conseil de sécurité à adopter une résolution qui, présentée par la France et le Royaume-Uni, autorise « l’opération Sophia à appliquer l’embargo de l’Onu sur les armes en haute mer au large de la Libye ».

Si ce texte est adopté, alors les navires européens auront tout la latitude nécessaire pour intercepter, en haute mer (et non dans les eaux libyennes) tout bateau soupçonné de transporter des armes vers la Libye, sans avoir à demander l’autorisation du pays dont il bat pavillon.

Reste à voir ce que décidera la Russie, qui, en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, dispose d’un droit de veto. À en croire l’ambassadeur russe auprès de l’ONU, Vitaly Tchourkine, Moscou ne s’opposerait pas à ce projet de résolution. Toutefois, il a fait valoir qu’il soulevait des « préoccupations ».

En effet, la Russie veut s’assurer que l’ONU ne puisse pas être accusée, a expliqué M. Tchourkine, de « prendre parti pour un camp ou l’autre » en Libye. « La priorité numéro un est de mettre en place des autorités adéquates en Libye », a-t-il estimé, en soulignant que le gouvernement libyen d’union nationale n’avait toujours pas été « adoubé » par le Parlement de Tobrouk, issu des élections législatives de 2014.

Cela étant, si cette résolution est adoptée, alors de nouveaux moyens devront être engagés dans l’opération Sophia. Lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale, le commandant adjoint de cette dernière, l’amiral français Gilles Humeau, a expliqué que cette mission supplémentaire exigerait « trois ou quatre frégates présentes sur la zone en permanence ».

Pour le moment, l’opération Sophia mobilise le Cavour, un porte-aéronefs italien, deux frégates (une allemande et une espagnole), un bâtiment hydrographique britannique et un pétrolier allemand. En outre, il est aussi question d’un appui de l’Otan, qui songe à revoir son opération Active Endeavour, lancée en Méditerranée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.

Évoquant, la semaine passée, ce projet de résolution lors de son audition par une commission d’enquête parlementaire relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a affirmé que « les Nations unies doivent pouvoir réagir assez rapidement à (cette) proposition (..) pour faire en sorte que l’opération Sophia qui vise à interdire le trafic d’armes et à empêcher les passeurs de faire leur commerce en Méditerranée soit possible. »

Et d’ajouter : « Nous sommes prêts à y mettre des bâtiments » car « il y a en Libye un trafic d’armes très important qui traverse la Méditerranée et sur lequel il faut absolument qu’on puisse agir. »

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