L’Otan devrait élargir ses opérations au large de la Libye… Mais pour quoi faire?

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« L’Otan a convenu d’étendre ses opérations en Méditerranée pour aider l’Union européenne à bloquer le trafic de migrants » a affirmé John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, à l’issue d’une réunion avec ses homologues des 27 autres pays membres de l’Alliance atlantique. Et d’ajouter : « L’Otan peut jouer un rôle maritime en assistant Sophia afin d’empêcher (..) le trafic humain illégal ». Reste à savoir pourquoi et comment…

En février, à la demande l’Allemagne, mais aussi de la Grèce et de la Turquie, l’Otan a lancé une opération navale en mer Égée avec les navires du Standing Nato Maritime Group 2 (SNMG-2) pour lutter contre les passeurs de migrants qui opérent depuis les côtes turques. Et le flux de candidats à l’immigration a effectivement diminué de façon importante. Est-ce en raison de cette mission ou bien de l’accord passé en mars entre l’Union européenne (UE) et Ankara?

De son côté, l’UE a lancé l’opération EUNAVFOR MED (ou Sophia) en juin 2015, avec l’idée de casser le modèle économique des passeurs de migrants actifs depuis le littoral libyen. Les navires engagés dans cette mission ont le droit, depuis octobre, d’arraisonner tout navire suspect… mais seulement dans les eaux internationales.

Aussi, et malgré la communication officielle qui parle de succès, l’opération européenne peine à réduire le flux de migrants qui part de la Libye. D’ailleurs, selon un rapport de la Chambre des Lords, au Royaume-Uni, elle est clairement un échec en raison de l’impossibilité pour les navires européens d’opérer dans les eaux territoriales libyennes. Qui plus est, les trafiquants ont su s’adapter à la nouvelle donne…

Là-dessus, en avril, la ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti, a fait savoir que Rome demanderait à l’Otan de patrouiller en Méditerranée centrale, c’est à dire au large de la Libye, pour réduire le flux de migrants. Et cela alors que l’Italie est nation-cadre de l’opération Sophia. C’est donc cette requête qui a reçu un avis favorable de la part de l’Alliance.

L’idée est de redéployer les moyens engagés dans l’opération antiterroriste Active Endeavour, lancée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Ainsi, deux opérations, l’une de l’UE, l’autre de l’Otan, appelées à se compléter, seront en cours au large de la Libye pour lutter contre les passeurs. Mais tant qu’aucune intervention ne sera possible dans les eaux territoriales libyennes (il faudra l’accord du gouvernement d’union nationale, qui est en train de prendre ses marques à Tripoli), on se demande bien à quoi tout cela rime.

Un début de réponse a été apporté par Federica Mogherini, Mme le Haut-représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, lors d’une conférence de presse conjointe avec Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan.

Comme l’opération Sophia pourrait avoir « d’autres tâches potentielles », comme « la formation des gardes-côtes libyens » ou la mise en oeuvre de l’embargo sur les armes à destination de la Libye, « nous aurions besoin aussi de renforcer nos moyens et l’appui ainsi que la coopération avec l’Otan pourraient être essentielles à cet égard », a expliqué Mme Mogherini.

Toujours selon Mme le Haut-représentant, l’Otan pourrait apporter un appui en matière « de renseignement, de renseignement, de systèmes de communication et de logistique. »

Une autre hypothèse, que l’on ne peut pas écarter, est que cet appui de l’Otan à l’opération Sophia aurait aussi pour objectif de dissuader, voire de contrer, d’éventuelles attaques de la branche libyenne de l’État islamique (EI ou Daesh) en Méditerranée centrale. Et le tout en pouvant compter sur des moyens américains, voire canadiens.

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