Rafale : Dassault Aviation ne veut pas jouer les « lièvres » au Canada

Quand, fin janvier, la France et l’Inde ont signé un accord gouvernemental portant sur l’acquisition de 36 avions Rafale pour les besoins de l’Indian Air Force, Dassault Aviation avait estimé que le contrat définitif allait être signé « dans les quatre semaines ». Or, les négociations sont toujours en cours.

Pourtant, il y a deux semaines, la presse indienne a annoncé qu’un accord avait été trouvé. Le BJP, le parti du Premier ministre en exercice, Narendra Modi, a officiellement communiqué sur ce dossier, affirmant que New Delhi avait obtenu un rabais conséquent – mais le prix initial avancé pour 36 Rafale paraît tout de même élevé si on le compare, par exemple, au contrat quatari – ainsi que des transferts de technologie. Mais le ministre indien de la Défense, Manohar Parrikar, n’a pas tardé à mettre un bémol en affirmant que les discussions étaient toujours dans leur phase finale.

« Des progrès significatifs ont été faits, et je sens une vraie volonté d’aboutir, possiblement dans les prochaines semaines. Mais l’Inde reste l’Inde : le gouvernement veut être sûr, avant de signer, que le fournisseur a donné tout ce qu’il pouvait donner », a toutefois commenté Éric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, dans un entretien accordé à Challenges.

Par ailleurs, le patron de l’avionneur français n’a pas mâché ses mots quand il a évoqué la concurrence. Ainsi, s’agissant de la proposition de Lockheed-Martin d’assembler des F-16 en Inde, M. Trappier a sorti l’argument massue : « proposer une usine de F-16 à l’Inde quand vous venez de vendre le même avion au Pakistan ne me paraît pas très sérieux », a-t-il dit.

Outre l’Inde, Dassault Aviation espère signer un contrat « Rafale » avec les Émirats arabes unis (un autre dossier qui traîne depuis longtemps…) d’ici la fin de cette année. « Mais notre calendrier sera celui de notre client », a temporisé M. Trappier.

Plusieurs autres contrats sont convoités par Dassault Aviation, comme la Malaisie, la Belgique, la Suisse et maintenant la Finlande, qui vient de lancer une demande d’informations aux principaux constructeurs en vue de remplacer ses F/A-18 Hornet. Mais M. Trappier n’en a pas parlé lors de cet entretien.

En revanche, le patron de Dassault Aviation a évoqué le Canada, qui doit bientôt remplacer ses avions CF-18. Initialement, Ottawa misait sur le F-35 Lightning II de Lockheed-Martin. Mais un rapport du Vérificateur général et une étude du cabinet KPMG obligèrent le gouvernement conservateur canadien à revoir sa copie et à préparer un appel d’offres.

Qui plus est, la nomination du libéral Justin Trudeau au poste de Premier ministre, suite à la victoire de son parti aux dernières élections législatives, va dans ce sens. Durant sa campagne, ce dernier avait en effet promis qu’il lancerait un « appel d’offres ouvert et transparent pour remplacer les F-18 ». Et, a priori, c’est un homme qui tient ses engagements…

Aussi, pour M. Trappier, le Canada est une « opportunité ». Son propos n’est pas une surprise. Déjà, en 2013, à l’occasion de l’ouverture du Salon du Bourget et alors qu’Ottawa venait de revoir la procédure d’acquisition des successeurs de ses CF-18, il avait affirmé que Dassault Aviation était « très volontariste » pour remporter ce marché.

« Ce pays, grand allié des Etats-Unis, a fait un travail sérieux et neutre sur le F-35. L’audit canadien dit clairement que ce n’est pas un bon avion », a commencé par dire M. Trappier, dans l’entretien donné à Challenges.

« Si le premier ministre, M. Trudeau, va au bout de cette logique et renonce au F-35, nous serions candidats avec le Rafale. Mais cela ne veut pas dire que nous gagnerions automatiquement. Nous aurions de toute façon à nous battre contre d’autres avions américains. Il faudrait être sûr que nous ne soyons pas là pour jouer les lièvres », a continué le PDG de Dassault Aviation.

Par la suite, M. Trappier s’est livré à une attaque en règle contre le F-35, qui, selon lui, « n’est pas au niveau ». Estimant que le Rafale est « le seul » appareils « véritablement multi-rôles », il a affirmé que les industriels américains ne « savent produire que des avions spécialisés », malgré leur force de frappe financière.

« Pour faire ce que fait le Rafale, ils auront besoin de trois appareils : le F-22, le F-35 et l’avion d’attaque au sol A-10 ou son remplaçant », a constaté M. Trappier.

 

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