Un rapport d’experts des Nations unies confirme l’expansion de Daesh en Libye

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Malgré l’accord de Skhirat, signé en décembre sous l’égide des Nations unies par des représentants des deux factions rivales libyennes, Tripoli n’a toujours pas de gouvernement d’unité nationale.

Or, les puissances occidentales, dont la France, misent sur ce dernier pour agir à la fois contre les passeurs de migrants qui opérent depuis les côtes libyennes et les jihadistes de Daesh (mais pas seulement) en pleine expansion. Les rivalités internes à la Libye, où coexistent deux gouvernements, dont un est reconnu par la communauté internationale, font ainsi le jeu des organisations terroristes.

C’est pourquoi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, compte proposer à l’Union européenne de prendre des sanctions à l’égard des responsables politiques libyens qui empêchent la mise en place de ce gouvernement d’unité nationale. Car le temps presse.

En effet, un rapport d’experts, présenté le 10 mars au Conseil de sécurité des Nations unies, a décrit une situation très préoccupante en Libye dans la mesure où « l’expansion de l’EI [État islamique ou Daesh] est de nature à atteindre le niveau d’une ingérence internationale et régionale capable de conduite à une polarisation accrue ».

Et d’expliquer que, « par anticipation, l’EI a développé tout un discours nationaliste, se présentant comme le plus solide rempart contre une intervention étrangère ». Alors que selon différentes évaluations récentes, les effectifs de Daesh en Libye seraient entre 5.000 et 6.000 membres, le rapport parle de l’arrivée « d’un nombre important de combattants étrangers » à Syrte, bastion des jihadistes.

Ce discours « nationaliste » de Daesh n’est pas surprenant. Les députés Jean Glavany et Philippe Baumel avaient énuméré, dans un rapport publié à la fin de l’année 2015, les inconvénients d’une éventuelle intervention militaire en Libye, en mettant en avant le danger d’une accentuation des clivages entre les deux factions rivales et, surtout, le risque de voir certains éléments de la coalition de milice Fajr Libya [qui compte de nombreux islamistes, ndlr] se radicaliser.

Déjà, notent les experts de l’ONU, l’EI « a recruté avec succès parmi les communautés marginalisées depuis le renversement du régime de Mouammar Kadhadi », ce qui explique sa montée en puissance à Syrte, la ville natale du colonel Kadhafi, devenue en 2015 un bastion de l’organisation jihadiste.

Cependant, cette dernière dispose de ressources financières limités. Le rapport estime qu’elle n’a pas pu avoir accès au système bancaire libyen en raison de « des dysfonctionnements et de la vétusté » de ce dernier. « En conséquence, le contrôle de Syrte n’a pas offert à l’EI un accès aux finances nationales ou au système Swift », y est-il ecrit.

En outre, Daesh n’est pas encore en mesure de se financer grâce aux hydrocarbures libyens. Mais, pour les experts de l’ONU, « ses attaques contre les installations pétrolières compromettent gravement la stabilité économique » du pays.

Ce rapport confirme les propos tenus le mois dernier par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lors d’une audition devant les députés. Ce dernier a insisté sur le risque d’attaques menées par Daesh depuis les côtes libyennes.

« Daesh a fait des déclarations en ce sens, d’où notre vigilance en Libye. Il ne faut jamais négliger les déclarations de Daesh car généralement cette organisation fait ce qu’elle annonce. C’est à partir des côtes libyennes qu’elle pourrait mener ces attaques; c’est pourquoi je suis très inquiet de l’évolution de la situation », a en effet déclaré le ministre.

Par ailleurs, rapporte l’agence Reuters, l’organisation américaine SITE, qui surveille l’activité jihadiste sur Internet, a signalé la diffusion d’un entretien d’un certain Abdoul Kader al-Nadji, décrit comme étant « l’émir chargé d’administrer les provinces libyennes » par la publication al-Naba. Cet individu, qui serait donc le successeur d’Abou Nabil, tué par une frappe américaine en novembre 2015, a clairement menacé les pays voisins de la Libye. « Vous vous protégez des détonateurs avec des boucliers de bambou, et des flots avec une bouée en bois », leur a-t-il dit.

En outre, al-Nadji a déclaré que la branche libyenne de Daesh est « encore jeune » (et qu’elle est en relation constante avec la « maison mère » en Syrie) et qu’elle « parvient de mieux en mieux à imposer ses règles religieuses dans les zones qu’elle contrôle. »

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