« Décisive » pour Paris, « risque de guerre mondiale » pour Moscou… l’idée d’envoyer des forces terrestres en Syrie contre Daesh divise

as-20160205

Alors que le président Hollande a demandé, lors de son intervention télévisée du 11 février, à la Russie de cesser ses opérations aériennes à Alep menées en soutien des forces du régime de Bachar el-Assad contre l’opposition syrienne soutenue par la coalition anti-Daesh, un accord sur la « cessation des hostilités » dans un délai d’une semaine en Syrie a été conclu par les membres de l’ISSG [Groupe international de soutien à la Syrie, ndlr].

« Nous avons convenu une cessation des hostilités dans tout le pays dans un délai d’une semaine », a en effet déclaré John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, lors d’une conférence de presse donnée dans la nuit du 11 au 12 février. Toutefois, les opérations contre l’État islamique (EI ou Daesh) et le front al-Nosra [branche syrienne d’al-Qaïda, ndlr] ne sont pas concernées par cet accord, négocié par les États-Unis et la Russie.

« Les résultats seront mesurés par ce qui se passera sur le terrain (…) pas sur les mots qui sont sur un bout de papier ce soir », a toutefois prévenu M. Kerry.

Cela étant, l’opposition entre Russes et Occidentaux sur le dossiers syriens a été marquée, ces derniers jours, par des échanges vifs, les seconds reprochant aux premiers de favoriser Daesh en soutenant Assad tout en cherchant à torpiller les négociations politiques entamées à Genève la semaine passée.

Ainsi, le représentant spécial des États-Unis auprès de la coalition anti-Daesh, Brett McGurk, a estimé, lors d’une audition devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, que, en décimant les rebelles soutenus par les puissances occidentales, « la Russie renforce directement Daesh ». En outre, il a aussi affirmé que si la coalition connaît des succès face à l’organisation jihadistes, il faut s’attendre aussi « à des déconvenues et des surprises ».

Dans le même temps, la propagande va bon train. Ainsi, en réaction aux critiques de l’action de ses forces aériennes dans la région d’Alep, le ministère russe de la Défense a accusé l’aviation américaine d’avoir bombardé des hôpitaux dans la ville du même nom avec des avions d’attaque A-10. Le tout en faisant dire au colonel Warren, le porte-parole de la coalition anti-Daesh, des mots qu’il n’a jamais prononcés (à savoir qu’il aurait accusé les Russes d’en être les responsables) lors de son point presse du 10 février et alors que, ce jour-là, aucune frappe n’y a été effectuée.

Outre la situation d’Alep, où les opérations russo-syriennes provoquent un nouvel afflux massif de réfugiés, la perspective d’une offensive terrestre contre Daesh menée par des puissance régionales fait aussi l’objet de désaccords profonds entre Moscou et les capitales occidentales.

Le 11 février, l’Arabie Saoudite a ainsi affirmé que sa décision de déployer des troupes terrestres en Syrie était « irréversible ».

« Le royaume se tient prêt pour mener des opérations aériennes ou terrestres (…) dans le cadre de la coalition et sous le commandement des Etats-Unis », a fait savoir Ahmed Assiri, le porte-parole du ministre saoudien de la Défense, le vice-prince héritier Mohammed ben Salmane. Il a été dit que Riyad serait susceptible d’agir conjointement avec Ankara dans le cadre d’une telle initiative.

Or, le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev a prévenu. « Les offensives terrestres conduisent généralement à ce qu’une guerre devienne permanente », a-t-il affirmé dans les colonnes du quotidien allemand Handelsblatt. « Toutes les parties doivent être contraintes de s’asseoir à la table de négociations plutôt que de déclencher une nouvelle guerre mondiale », a-t-il continué.

Et M. Medvedev d’ajouter : « Les Américains et nos partenaires arabes doivent très bien réfléchir: veulent-ils une guerre permanente, pensent-ils qu’ils pourraient gagner rapidement une telle guerre? Quelque chose de cet ordre est impossible, particulièrement dans le monde arabe. »

« C’est le soutien russe au régime d’el Assad ces derniers mois, et plus récemment lors du siège d’Alep, qui a exacerbé, intensifié le conflit », a réagi Mark Toner, un porte-parole de la diplomatie américaine.

Plus, plus tard, dans un entretien accordé à la presse régionale allemande, le Premier ministre français, Manuel Valls, a répondu aux propos de son homologue russe. « Les opérations militaires en Irak et en Syrie sont menées aujourd’hui par une coalition de plusieurs pays, qui forment des troupes locales et les conseillent. L’offensive terrestre de ces troupes locales – et aussi de certains pays arabes s’ils veulent le faire – est décisive [dans le cadre de la lutte contre l’EI], ne serait-ce que pour tenir les zones reconquises », a-t-il affirmé, en prenant soin de préciser que « la France, en ce qui la concerne, n’a pas l’intention d’envoyer des troupes au sol dans la lutte contre Daesh. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]