La Cour des comptes pointe de « nombreuses incertitudes » sur le futur logiciel de paiement des soldes

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Dans son rapport annuel, la Cour des comptes consacre un chapitre entier à la solde des militaires [.pdf]en s’intéressant plus particulièrement aux nombreux dysfonctionnements causés par le Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (LOUVOIS), mis en service en 2011 alors que, manifestement, ce programme informatique était loin d’être prêt.

Devant les situations ubuesques générées par LOUVOIS, avec des militaires plongés dans d’importantes difficultés financières étant donné que les soldes qu’ils percevaient (quand ils les percevaient…) étaient incorrectes, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a mis le holà en décembre 2013, en annonçant le développement d’un nouveau logiciel sous l’égide de la Direction générale de l’armement (DGA).

Et cela, après avoir pris des mesures pour remédier au désastre (centre d’appel, renforcement des effectifs du Centre expert ressources humaines – Soldes de Nancy, appel à des réservistes fiscalistes, installation d’un « groupe utilisateurs soldes », etc…). Dans le même temps, il a fallu apporter des corrections à Louvois, qui doit rester en place tant que son successeur, appelé Source Solde, n’est pas opérationnel.

Évidemment, cela a généré des frais supplémentaires que la Cour des comptes n’a pas manqué de souligner. Ainsi, elle a estimé « le coût de ces renforts en personnel à 15 M€ en 2013 et à 18 M€ en 2014, et celui des prestations d’assistance extérieures, tant pour les services informatiques que pour le centre expert de ressources humaines et de la solde de Nancy, à 7 M€ en 2013 et 20 M€ en 2014. » Et, à ces dépenses, il « faudrait ajouter environ 7,5 M€ de travaux inutilisables découlant de la suspension de projets informatiques liés à la solde. »

En outre, si des militaires ont été victimes de « moins-perçus », d’autres ont connu des « trop-versés ». Ces « dysfonctionnements ont entraîné une augmentation des dépenses salariales du fait des versements d’indus, nettes des récupérations effectuées, qui ont atteint 149 M€ au cours de l’exercice 2013, 96 M€ au cours de l’exercice 2014, et 37 M€ au cours des dix premiers mois de l’exercice 2015 », relève le rapport des magistrats de la rue Cambon.

Quant au programme Source Solde, la Cour des comptes ne fait pas preuve d’une grande sérénité à son endroit. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, elle déplore qu’il y ait encore « beaucoup de complexité » étant donné la « multiplicité des services et de l’imbrication des responsabilités » dans ce projet. La « gouvernance » est aussi jugée trop « complexe », en dépit des efforts de simplification.

Qui plus est, LOUVOIS et Source Solde devront fonctionner en même temps jusqu’en 2021 « afin de permettre les régularisations liées aux événements passés », c’est à dire les calculs rétroactifs de solde.

Sur ce point, la Cour des comptes prévient que la « communication entre, d’une part, les équipes chargées du fonctionnement de Louvois et du pilotage des chantiers d’amélioration, et, d’autre part, l’équipe Source Solde doit (…)être optimale pour assurer la cohérence de l’ensemble et espérer atteindre les objectifs. »

Car les magistrats n’ont pas l’air très optimistes au sujet du déploiement futur de Source Solde, qui, selon eux, est un « projet informatique de gestion parmi les plus complexes par ses spécificités et le nombre des personnels concernés. »

« Des difficultés majeures, susceptibles de peser sur sa mise en production à la date prévue et avec le niveau de qualité exigé, ne sont pas encore complètement maîtrisées, alors que le planning du déroulement du projet comporte peu de marge », lit-on dans le rapport.

« Ces difficultés proviennent tout d’abord du développement dans Source Solde de plus de 170 règles de gestion du droit indemnitaire, dont la complexité et la combinaison évolutive, inhérente à la condition militaire et à la diversité des opérations confiées aux différents personnels des armées, se sont déjà heurtées aux fragilités de LOUVOIS et avaient déjà contribué à ses dysfonctionnements », avance les magistrats de la rue Cambon.

En clair, la Cour des comptes reproche au ministère de la Défense d’avoir mis la charrue avant les boeufs en n’ayant pas fait le ménage dans les nombreuses primes versées au militaire. En 2013, elle avait déjà estimé qu’une occasion avait été manquée pour mettre en place des « mesures indiciaires et catégorielles » et pour « entreprendre simultanément une réforme des primes et indemnités ».

D’ailleurs, insiste-t-elle, le ministère de la Défense « a peiné à élaborer les documents de spécifications fonctionnelles relatifs au droit indemnitaire et à les fournir au prestataire, alors que ces travaux étaient indispensables. »

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En outre, la Cour estime également d’autres difficultés concernent « l’insertion du nouveau système dans l’ensemble existant composé de tous les logiciels et applicatifs informatiques propres aux ressources humaines, qui nécessitent de multiples interfaces, et la montée en qualité de toutes les données servant au calcul de solde, dont la liste précise n’a été établie qu’en juillet 2015. » [voir ci-dessus]

Aussi, les magistrats invitent le ministère de la Défense à « une plus grande vigilance, notamment pour respecter et faire respecter le calendrier contractuel du marché de développement, en vue de la première étape en 2017 », année où Source Solde devrait être mis en service pour payer les soldes des marins.

Pour rappel, le prestataire retenu pour développer ce programme est Sopra-Steria, qui, pour 128 millions d’euros, a proposé un système basé HR Access, une solution qui a déjà fait ses preuves dans le secteur privé.

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