Tollé international après le lancement d’une fusée nord-coréenne

unha-20160207Malgré les sanctions internationales et les résolutions 1718 et 1874 du Conseil de sécurité des Nations unies qui lui interdisent toute activité balistique, la Corée du Nord a procédé, dans la nuit du 6 au 7 février, au lancement d’une fusée afin de mettre sur orbite un satellite « d’observation de la Terre » appelé Kwangmyong 4.

Le scénario rappelle exactement celui du lancement, en décembre 2012, d’une fusée Unha-3 (dérivée du missile balistique Taeopodong-2), qui avait réussi à mettre un objet sur orbite, présenté également comme une satellite d’observation.

La Corée du Nord avait averti qu’elle se préparait à lancer une fusée il y a quelques jours. Dans son ensemble, la communauté internationale lui avait demandé de ne pas le faire, y compris son plus proche allié, à savoir la Chine. Ainsi, le président américain, Barack Obama, et son homologue chinois, Xi Jiping, avaient convenu, lors d’un entretien téléphonique, le 5 février, de la nécessité d’une « réponse forte » face aux « provocations » nord-coréennes.

A priori, ce nouveau lancement nord-coréen, effectué depuis le pas de tir de Tongchang-ri, à une cinquantaine de kilomètres de la Chine, a été réussi. La trajectoire de la fusée, suivie par les radars sud-coréens, a été conforme à celle annoncée par Pyongyang. Son premier étage s’est abîmé au large des côtes occidentales sud-coréennes et des débris ont été localisés plus au sud, près de l’île de Jeju.

En outre, le Commandement nord-américain de la défense aérospatiale (NORAD) a indiqué avoir détecté un engin ayant pénétré dans l’espace. Ce qui  été confirmé par les forces armées sud-coréennes.

À Pyongyang, on s’est félicité d’un « succès », en rappelant le « droit légitime » de la Corée du Nord à une utilisation « pacifique et indépendante » de l’espace mais en soulignant, cependant, que ce dernier lancement d’une fusée était aussi « une avancée dans le renforcement » de sa « capacité de défense ».

Le lancement de cette fusée vient un mois après l’annonce faite par Pyongyang de l’essai d’une arme « thermonucléaire » (plus probablement, en fait, d’une bombe atomique à effet dopé). Les sanctions « fortes » promises à la Corée du Nord restent encore à être adoptées, la Russie et la Chine étant réticentes à leur renforcement.

Chaque tir de fusée permet en effet à la Corée du Nord d’affiner son programme de missiles balistiques intercontinentaux, les technologies utilisées étant très proches. Le lancement effectué cette nuit permettrait ainsi à Pyongyang de développer un engin d’une portée de 10.000 km.

En outre, le plus préoccupant est que les ingénieurs nord-coréens ont progressé significativement dans la maîtrise de cette technologie, notamment après l’échec du tir d’une fusée de même type en avril 2012. Il a été avancé qu’ils auraient bénéficié d’une aide iranienne, ce que Téhéran a toujours nié.

Quoi qu’il en soit, ce lancement d’une fusée nord-coréenne, a suscité une cascade de réactions indignées. Le Premier ministre japonais , Shinzo Abe, a parlé d’un acte « intolérable ».

La France, par la voix du président Hollande, a dénoncé « avec la plus grande fermeté la nouvelle violation flagrante par la Corée du Nord des résolutions du conseil de sécurité » et une « provocation insensée » après l’essai nucléaire effectué il y a un mois. Et d’en appeler à une « réaction rapide et sévère de la communauté internationale au Conseil de sécurité » des Nations unies, qui se réunira ce 7 février.

À Londres, le Foreign Office a condamné « fermement » le lancement nord-coréen. « Nous travaillerons avec nos alliés et partenaires pour faire en sorte qu’il y ait une réponse forte sir la Corée du Nord persiste violer » les résolutions de l’ONU », a-t-il fait valoir.

Même ton aux États-Unis, où la Maison Blanche a dénoncé une « nouvelle action déstabilisatrice et une violation flagrante des multiples résolutions du Conseil de sécurité ». Pour Susan Rice, conseillère à la Sécurité nationale du président Obama, les « programmes d’armes nucléaires et balistiques de la Corée du Nord représentent une menace sérieuse pour nos intérêts – y compris la sécurité de certains de nos plus proches alliés – et menacent la paix et la sécurité dans la région. »

« Nous allons continuer à travailler avec nos partenaires et membres du Conseil de sécurité de l’ONU sur des mesures significatives afin de demander des comptes à la Corée du Nord », a par ailleurs affirmé John Kerry, le chef de la diplomatie américaine.

En revanche, les réactions ont été plus mesurées à Moscou et à Pékin. « En ce qui concerne l’insistance de (la Corée du Nord) à mettre en oeuvre le lancement de technologie de missile, malgré l’opposition internationale, la Chine exprime ses regrets, a dit Hua Chunying, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « Pyongyang a la droit à une utilisation pacifique de l’espace mais ce droit est limité par les résolutions pertinentes du conseil de sécurité des Nations unies », a-t-elle estimé.

« Il est évident que de telles actions conduisent à une aggravation sérieuse de la situation dans la péninsule coréenne et l’Asie du Nord-Est dans son ensemble et est très dommageable à la sécurité des pays de la région, en particulier et en premier lieu de la Corée du Nord elle-même », a ainsi déclaré le ministère russe des Affaires étrangères, qui parle toutefois d’une « protestation ferme ». Et d’ajouter : « Nous recommandons urgemment à la direction nord-coréenne de se demander si la politique qui consiste à s’opposer à la communauté internationale est dans l’intérêt du pays. »

Pour la Russie, la conséquence de nouveau lancement dervrait être un renforcement des capacités américaines de défense anti-missile dans la péninsule coréenne. Renforcement qui est discuté depuis plusieurs mois maintenant avec Séoul.

« Il a été décidé d’ouvrir officiellement des pourparlers sur la possibilité de déployer en Corée du Sud le système THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) dans le cadre des efforts pour renforcer la défense antimissile de l’alliance Corée du Sud/Etats-Unis », a ainsi a déclaré Ryu Je-Seung, un haut responsable au ministère sud-coréen de la Défense.

Et ce projet suscite beaucoup de réticences, tant en Chine qu’en Russie. « Un tel développement ne peut que susciter notre inquiétude face au caractère destructeur du système mondial de défense antimissile des États-Unis pour la sécurité internationale », fit valoir, l’an passé, la diplomatie russe. « Dans une région où la situation est déjà extrêmement compliquée en termes de sécurité, cela pourrait être un pas de plus vers une course aux armements en Asie du Nord-est et compliquer encore davantage la résolution du problème nucléaire dans la péninsule coréenne », avait-elle ajouté.

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