Bercy lorgne sur les économies réalisées par les armées sur leur facture de pétrole

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Si la Loi de programmation militaire 2014-2019 actualisée prévoit une hausse de 3,8 milliards d’euros des crédits affectés au ministère de la Défense, notamment pour prendre en charge la moindre déflation des effectifs décidée au lendemain des attentats de janvier 2015 ainsi que ses nouvelles missions, elle compte aussi sur le « coût de facteurs », à hauteur de 1 milliard d’euros, pour financer des programmes d’armement jugés prioritaires.

En clair, il s’agit d’utiliser à bon escient la marge de manoeuvre financière que donne l’évolution favorable de certains indices économiques, comme l’inflation et le prix des carburants. Cependant, au moindre retournement de conjoncture, les gains attendus ne seront évidemment plus au rendez-vous. D’où la vigilance particulière des parlementaires sur ce point précis.

« Si l’effet « coût des facteurs » est indiscutable, je rappelle que nous avons pris des hypothèses de programmation très volontaristes, notamment sur le fonctionnement. (…) Par ailleurs, le ministère doit faire face à des dépenses non prévues au moment du vote de la LPM. Ces charges nouvelles liées à l’application de nouvelles lois ou normes (…) réduisent d’autant l’effet positif du coût des facteurs. La différence entre les économies liées à l’évolution du coût des facteurs et ces charges additionnelles constituera le bénéfice net qui, je l’espère, s’élèvera à hauteur d’un milliard d’euros sur la période », avait expliqué le général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA), lors d’une audition parlementaire, l’automne dernier.

Pour le moment, le prix du baril de brut n’est pas reparti à la hausse. Mieux même, il a encore baissé par rapport aux estimations initiales. Or, le ministère de la Défense est un gros consommateur de pétrole. Aussi, l’évolution du coût des facteurs devrait lui permettre de dégager des marges de manoeuvres supplémentaires. Et cela d’autant plus que, après les attentats du 13 novembre, le président Hollande a annoncé la fin des réductions d’effectifs dans les armées (le pacte de stabilité s’efface devant le pacte de sécurité).

Sans doute faudra-t-il actualiser une seconde fois la LPM 2014-2019 pour prendre en compte cette nouvelle donne. Mais en attendant, l’une des rares marges de manoeuvre disponibles réside dans le faible prix du pétrole.

Seulement, les messages présidentiels ont sans doute du mal à arriver jusqu’à Bercy… Car, pour le secrétaire d’État au budget, Christian Eckert, qui, d’après ses propos rapportés par le Canard Enchaîné en novembre dernier, déplorait que l’armée avait « toujours besoin d’argent » sans savoir « pour quoi faire » car « c’est secret-défense », lorgne sur les économies réalisées sur la consommation de pétrole du ministère de la Défense.

« Nous avons examiné les conséquences de la baisse de l’inflation et du coût de l’énergie sur plusieurs ministères : elles sont évidemment importantes, particulièrement sur le ministère de la Défense, qui est un gros consommateur de carburants. Soyons justes : il se peut que nous envisagions d’utiliser les économies réalisées par les ministères sensibles à l’inflation pour financer d’autres programmes comme le plan Emploi, par exemple », a ainsi affirmé M. Eckert, lors d’une audition devant la commission des Finances, à l’Assemblée nationale.

Ce serait donc pour financer un plan Emploi avec, pour carricaturer, des recettes qui n’ont jamais vraiment marché (une entreprise n’embauche que si elle a du travail à proposer), alors que l’armée de Terre va massivement recruter en 2016 et qu’elle est impliquée dans la formation professionnelle des jeunes en difficulté via le Service militaire volontaire. Et c’est sans compter sur les créations d’emplois dans l’industrie de l’armement, grâce aux exportations soutenues par les armées. Passons.

« Je dis au ministère de la Défense comme aux autres ministères que les économies réalisées grâce à la baisse de l’inflation et du coût du chauffage ou de l’énergie pourront se traduire par le réexamen d’un certain nombre de lignes budgétaires », a insisté le secrétaire d’État au budget, en répondant au député Jean-François Lamour, avec qui il a « croisé le fer » lors de cette audition.  Cependant, a-t-il ajouté, le « ministère de la défense est parfaitement capable de… se défendre » et une « mission conjointe de l’Inspection générale des finances et du contrôleur général des armées qui vient de s’achever a étudié les écarts de solde par rapport aux prévisions. »

Mais, a poursuivi M. Eckert, « nous ne saurions toutefois faire abstraction du fait que plusieurs centaines de millions d’euros auront été économisés dans l’ensemble de nos ministères grâce à la baisse du coût de l’énergie, y compris au ministère de la Défense. »

Cela étant, et ce sera probablement une bonne nouvelle pour les finances publiques, le faible prix du pétrole devrait avoir des conséquences positives sur les surcoûts liés aux opérations extérieures. À moins que la consommation de munitions vienne alourdir la facture.

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