Londres durcit le ton à l’égard de l’intervention militaire russe en Syrie

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Le ministres russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a affirmé, ce 3 février, qu’il était hors de question pour Moscou de cesser ses opérations aériennes en Syrie alors que des négociations entre les rebelles syriens et le régime de Bachar el-Assad ont commencé à Genève depuis quelques jours.

Depuis le début de son intervention en Syrie, le 30 septembre dernier, la Russie assure frapper l’État islamique (EI ou Daesh) et toute autre organisation considérée comme terroriste. Or, dans les faits, les bombardiers russes ont davantage visé, du moins jusqu’à présent, les groupes armés de l’opposition dite « modérée », c’est à dire celle soutenue par les Occidentaux.

Aussi, pour Moscou, l’objectif est de sauver le régime de Bachar el-Assad (ce qui, par ailleurs, est une façon de défendre ses propres intérêts) et non de s’attaquer à l’État islamique. « Si la Russie estimait, comme c’est notre cas, que la priorité est de détruire Daech, cela ouvrirait des perspectives intéressantes », soulignait récemment Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, lors d’un entretien accordé à Challenges.

Mais Londres n’a pas pris un ton aussi diplomatique pour fustiger l’attitude de Moscou dans cette affaire. Et le secrétaire au Foreign Office, Philip Hammond, n’a pas mâché ses mots. « Il m’est toujours pénible de constater que tout ce que nous entreprenons est saboté par les Russes », a-t-il lancé, le 1er février, lors d’une visite du camp de réfugiés syriens installé à Zaatari, en Jordanie.

« Les Russes disent parlons; ensuite, ils parlent et parlent et parlent. Le problème, avec les Russes, c’est que, pendant qu’ils parlent, ils bombardent, et ils prêtent main-forte à Assad », a continué M. Hammond. Dans le même temps, a-t-il ajouté, ils « affirment vouloir anéantir Daesh mais ils ne bombardent pas Daesh, ils bombardent l’opposition modérée. »

« Depuis l’intervention russe en Syrie, le flux – faible – de gens qui envisageaient de quitter ces camps [de réfugiés] pour regagner la Syrie s’est arrêté net, et on assiste à un nouvel exode de Syriens qui quittent leur pays du fait des opérations russes – notamment dans le sud de la Syrie, le long de la frontière, à quelques kilomètres d’ici », a encore fait valoir le chef de la diplomatie britannique.

« Moins de 30% des frappes russes visent des objectifs de Daesh », a déploré M. Hammond. « Leur intervention renforce Daesh sur le terrain – ils font l’exact contraire de ce qu’ils prétendent rechercher », a-t-il accusé.

Le lendemain, lors de la réunion, à Rome, des ministres des affaires étrangères des 26 pays membres de la coalition anti-Daesh emmenée par les États-Unis, Philip Hammond a remis ça.

« Est-ce que la Russie veut vraiment s’engager dans un processus de paix ou bien utilise-t-elle ce processus de paix comme paravent pour tenter de donner à Assad une victoire militaire et créer un mini-Etat alaouite dans le nord-ouest de la Syrie? », a ainsi demandé M. Hammond.

L’hypothèse d’un État alaouite – qui a déjà existé quand la Syrie était administrée par la France en vertu d’un mandat de la Société des Nations – n’est pas récente. Avancée quand les forces du régime reculaient sur le terrain, elle a été présentée comme un « ultime recours » pour Bachar el-Assad.

Ce « réduit » alaouite, situé sur le littoral syrien, ne manque pas d’atout. Économiquement viable, grâce à l’agriculture et l’exploitation éventelle de gisements gaziers en Méditerranée orientale, il peut être très bien défendu, avec la forteresse naturelle qu’est le djebel Ansarieh.

Pour la Russie, cette solution lui permettrait de garder sa base navale installée à Tartous et serait même susceptible de convenir à Israël et… à l’Iran, qui aurait toujours la possibilité de ravitailler le Hezbollah via la plaine de la Bekaa. En revanche, cela supposerait, pour le clan Assad, d’abandonner Damas. Quant à l’EI, il pourrait consolider ses prises dans l’est du pays.

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