Libye : Le sort du général Haftar complique l’entrée en fonction du gouvernement d’union nationale

haftar-20150303Depuis 2014, la Libye compte deux gouvernements rivaux et autant de Parlements. L’un, reconnu par la communauté internationale et issu de la Chambre des représentants installée à Tobrouk, contrôle partiellement l’est du pays tandis que l’autre, est établi à Tripoli, avec le soutien du Congrès général national (dont le mandat a expiré depuis près de deux ans) et celui de la milice Fajr Libya, qui compte dans ses rangs des unités islamistes.

Les rivalités entre ces deux factions profitent à la branche libyenne de l’État islamique (EI ou Daesh), laquelle s’enracine dans la région de Syrte, tout en lorgnant sur le croissant pétrolier situé dans l’est du pays, ainsi qu’à d’autres formations jihadistes, qui, liées à al-Qaïda, font de la Libye une base arrière pour leurs opérations dans la bande sahélo-saharienne.

À cela, il faut bien évidemment ajouter la crise des migrants, qui partent vers les côtes européennes depuis le littoral libyen, ce qui entretient un trafic des plus juteux, certaines municipalités tirant jusqu’à 40% de leurs revenus grâce à cette activité.

Alors, que faire? Pour le moment, l’option d’une intervention militaire apparaît comme étant la moins bonne des solutions. Cependant, même s’il n’est pas question de mener une opération d’envergure pour chasser Daesh, des frappes ciblées – notamment américaines – ont déjà eu lieu contre des chefs jihadistes installés en Libye.

La solution à cette crise passe donc par la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Ce n’est qu’ensuite qu’il serait possible d’intervenir contre les organisations jihadistes (mais indirectement, en soutien des forces libyennes et à la demande de Tripoli) ainsi que contre les passeurs de migrants.

D’où les efforts des Nations unies en ce sens. Après des mois de discussions, un accord politique a été conclu, en décembre, à Skhirat (Maroc) entre des représentants des deux factions. Et l’homme d’affaires Fayez al-Sarraj désigné a été désigné pour former un gouvernement d’union nationale, dont la liste des 32 ministres a été dévoilées le 19 janvier dernier.

Restait alors, pour pouvoir entrer en fonction, l’accord des deux Parlements rivaux. Et, visiblement, c’est loin de n’être qu’une simple formalité. D’autant plus que les réticences sont nombreuses, aussi bien dans un camp que dans l’autre.

Ainsi, le Parlement installé à Tobrouk a refusé de ratifier l’accord de Skhirat à une large majorité : 89 des 104 députés présents ont exprimé leur désapprobation, au motif que le gouvernement d’unité nationale sur lequel il leur était demandé de se prononcer compte trop de ministres.

En réalité, une clause de l’accord politique obtenu en décembre pose problème : elle prévoit que tous les titulaires des postes de premier-rang au sein des forces militaires et de sécurité soient approuvés par le gouvernement d’union nationale.

Ce qui semble logique… Sauf qu’une telle disposition n’arrange pas les affaires du général Khalifa Haftar, commandant des forces loyales du gouvernement reconnu et par ailleurs très en pointe dans le combat contre les organisations extrémistes.

Pour rappel, le général Haftar fut un proche du colonel Kadhafi avant de prendre ses distances. Fait prisonnier lors de la guerre entre la Libye et le Tchad (1978-1987), il rejoignit les États-Unis (dans circonstances qui restent à éclaircir) avant de revenir dans son pays à la faveur des événements de 2011. En mai 2014, avec des appuis extérieurs (l’Égypte est citée), il lança l’opération Dignité pour chasser les jihadistes de la région de Benghazi.

En outre, le nom du futur ministre de la Défense du gouvernement que devra diriger Fayez al-Sarraj, pose aussi un souci. Issu de l’armée, Mehdi al-Barâathi n’est pas dans les petits papiers du général Haftar.

Pour autant, du moins du côté du Parlement de Tobrouk, tout n’est définitivement pas perdu (enfin, peut-être). Ses élus auront à se prononcer une nouvelle fois sur l’accord de Skhirat d’ici 10 jours… à la condition qu’il y ait moins de ministres au sein du gouvernement d’union nationale et que la Mission des Nations unies pour la Libye accepte l’annulation de l’article qui pose problème.

De son côté, Martin Kobler, le chef de cette dernière, a fait savoir qu’il poursuivrait « les consultations avec toutes les parties pour trouver une solution consensuelle » au sujet de l’article en question. En tout cas, pour le moment, la Libye compte maintenant trois gouvernements, dont un virtuel…

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]