Quand le chef d’état-major des armées dénonce la « tyrannie de l’urgence »

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À deux reprises, dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde et lors d’un discours prononcée en conclusion d’un séminaire, le chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers, a parlé de la « tyrannie de l’urgence » à propos de l’ère de « l’information continue et instantanée ».

Le CEMA n’a pas voulu évoquer ainsi les relations, toujours compliquées, entre les militaires et la presse. Les premiers ont en effet besoin de communiquer – sans trop en dire – ne serait ce que pour avoir le soutien de l’opinion publique dans les opérations qu’ils mènent tandis que les seconds, sous contrainte économique,  doivent alimenter en contenus les médias pour lesquels ils travaillent.

Mais il n’est pas question de cela dans les propos du CEMA. Le problème auquel les armées sont désormais confrontées est l’accélération du temps médiatique, dus aux progrès technologiques.

« L’information instantanée et continue nous met tous sous pression : c’est une accélération du temps qui s’impose à notre société de façon quasi-irrationnelle », estime le général de Villiers. Or, les groupes terroristes savent en jouer en choisissant le « moment pour frapper », alors que la « force a besoin de temps pour produire ses effets ».

Ainsi, l’attaque de l’hôtel Radisson Blu, à Bamako, en novembre dernier, en est l’illustration. Alors que les groupes jihadistes sont sous mis sous pression par la force Barkhane, leur action, revendiquée par AQMI et le groupe al-Mourabitoune, qui ont au passage opéré un rapprochement, a laissé le sentiment du contraire.

« Nous devons donc continuer à nous battre pour éliminer ces groupes – peu nombreux mais difficiles à arrêter puisqu’ils utilisent des kamikazes –, mais la situation globale s’améliore tout de même », résumait, en décembre, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense.

Le CEMA parle ainsi d’un « effet ciseau » avec lequel il faut de « plus en plus composer ». Et d’ajouter : « Il s’agit d’intégrer la demande d’effets immédiats et visibles, sans pour autant subir la tyrannie de l’urgence ». S’il évoque surtout l’accélération du temps (médiatique), cela peut aussi valoir pour les responsables politiques susceptibles d’être tentés de demander des résultats immédiats avant une échéance électorale. Cela s’est déjà vu…

Quoi qu’il en soit, pour le général de Villiers, il est nécessaire de « gérer la notion du temps dans toutes ses dimensions : durée, distance, délais, degrés d’intensité des combats, communication, influence et perception » afin de « préserver notre liberté d’action et une meilleure maîtrise du tempo de nos opérations militaires ».

« Nous devons reprendre l’initiative sur nos ennemis qui, par des actions offensives dans le champ des perceptions et de l’influence, savent jouer de l’émotion et de la versatilité de nos opinions publiques pour nous mettre en ‘déséquilibre avant' », a encore avancé le CEMA.

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