Les États-Unis envisagent de céder des avions AV-8B Harrier à Taïwan

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Le 7 novembre dernier, pour la première fois la rencontre entre Tchang Kaï-chek et Mao Zedong en août 1945, un président taïwanais, en l’occurrence Ma Ying-jeou, a échangé une poignée de main « historique » avec Xi Xiping, son homologue de la République populaire de Chine.

Seulement, les élections qui viennent d’avoir lieu à Taïwan risquent de remettre en cause la politique de normalisation avec Pékin lancée par Ma Ying-jeou. En effet, pour la première fois de son histoire, l’ex-Formose sera présidée par une femme, Tsai Ing-wen, élue confortablement sous les couleurs du Parti démocratique progressiste (PDP), pour lequel il n’est absolument pas question d’un quelconque rapprochement avec la Chine communiste.

Ce triomphe électoral de Tsai Ing-wen, qui la particularité de n’être issue d’aucune « dynastie » politicienne, s’explique en partie par le fait que de nombreux Taïwanais estiment que la politique de rapprochement avec la Chine continentale, via une série d’accords commerciaux, a rendu Taïwan économiquement trop dépendante à l’égard de Pékin, ce qui, selon eux, menace la souveraineté et l’identité de leur pays.

D’ailleurs, au soir de son élection, Tsai Ing-wen en a appelé au respect du « système démocratique, de l’indentité nationale et de l’intégrité territorial » de Taïwan, considérée par Pékin comme faisant partie de son territoire (politique d’une « seule chine »). Aussi, du côté du gouvernement de la RPC, l’on a fait part de « préoccupations » et estimé que le « retour au pouvoir du PDP pose de sérieux défis pour les relations entre les deux rives du détroit » de Formose.

Cela étant, même si, ces dernières années, Taipeh a entrepris un rapprochement avec Pékin, les forces armées taïwanaises n’ont pour autant jamais baissé la garde. « Taïwan ne s’engagera pas dans une course aux armements avec la Chine, mais se concentrera plutôt sur une utilisation optimale de son budget de la défense, qui est limité », avait ainsi affirmé, en avril 2013, le président Ma Ying-jeou, à l’issue de manoeuvres ayant simulé… une débarquement de l’armée populaire de libération (APL).

Dans le même temps, les forces armées taïwanaises ont subi une réforme visant à aboutir à leur professionnalisation, avec à la clé, un réduction de leurs effectifs à hauteur de 20%. Sur le plan des capacités, l’accent a notamment été mis sur les forces navales (lancement d’un programme de sous-marins, corvettes furtive de la classe Tuo Chiang, missiles anti-navires) et aériennes.

Si la priorité a été donnée à des solutions locales pour moderniser son appareil de défense (étant donné que les exportateurs d’armes veulent éviter de froisser la Chine), Taïwan dépend beaucoup de l’industrie américaine de l’armement.

Encore récemment, Washington a approuvé une possible vente de deux anciennes frégates de classe Oliver Hazard Perry, de véhicules blindés amphibies, de missiles sol-air MANPADS Stinger, de missiles Javelin, et de systèmes MK 15 Phalanx Block 1B. Le tout pour 1,83 milliard de dollars.

Cependant, les matériels livrés à Taïwan par les États-Unis ne sont pas souvent les plus modernes… Car l’administration Obama cherche à ménager la chèvre et le chou, c’est à dire à donner à Taipeh les moyens de se défendre sans trop énerver Pékin. C’est pourquoi Washington a toujours refusé de livrer de nouveaux F-16 à la ROCAF (Republic of China Air Force)

Mais cette dernière ne souhaite pas seulement disposer de nouveaux F-16… Dans les années 2000, elle a fait part de son intérêt pour la version B (ou STOVL pour Short Take Off Vertical Landing) du F-35 de Lockheed-Martin, alors en cours de développement. Le besoin d’un appareil de ce type pour la ROCAF est avéré dans la mesure où, en cas d’attaque chinoise, il est attendu que les pistes d’aviation soient visées – et détruites – en premier. Dans ce scénario, des avions pouvant opérer depuis des terrains sommaires est indispensable.

Faute de grives on mange des merles?

Mais si Washington refuse de vendre des F-16 à Taipeh, il en sera de même pour les F-35B. D’où l’idée par le Pentagone – et évoquée par Defense News – de céder à la ROCAF des avions à décollage et atterrissage verticaux de type AV-8B Harrier, utilisés actuellement par l’US Marine Corps (USMC).

Ces appareils seraient fournis dans le cadre du programme américain EDA (Excess Defense Articles, c’est à dire les surplus) à mesure de leur remplacement par des F-35B au sein de l’USMC et après avoir été renovés afin de leur donner du potentiel supplémentaire.

Bien évidemment, si elle paraît séduisante, cette solution est loin de satisfaire Taïwan, pour qui ces AV-8B Harrier II ne répondent que partiellement à ses besoins. Les performances de cet appareils sont en effet bien en-deçà de celles – attendues – du F-35B.

« Nous voulons un avion de combat moderne, supersonique, STOVL, furtif, avec des capacités « beyond-visual-range » (vision au-delà de l’horizon). Si l’AV-8 a été vu comme un option dans le passé, ce type d’appareil est maintenant dépassé et ses performances ainsi que ses capacités ne correspondent aux exigences opérationnelles futures », a commenté un porte-parole du ministère taïwanais de la Défense.

En outre, leur modernisation risque de poser problème : des industriels américains qui lorgnent sur le marché chinois de l’aviation civile, comme par exemple Boeing, qui a repris les activités de McDonnell Douglas, l’industriel à l’origine du Harrier II avec, à l’époque, British Aerospace. Et puis c’est sans compter sur le coût du maintien en condition de ces appareils (MCO) de ces Harrier II…. Les pièces détachées se font rares : l’USMC s’est ainsi approvisionné au Royaume-Uni, qui retiré les siens du service.

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